Too Old to Die Young (2019), que l’on aura dans l’ensemble beaucoup aimé, dans son extrémisme allégorique entre le grotesque et le superbe, Nicolas Winding Refn effectuant presque une reprise de Lynch avec les sabots de Tarantino, conférant une violence inouïe au principe du rêve. Il aborde l’onirisme à la hache, passe l’ésotérisme à la moulinette. Bref, ça ressemble beaucoup à The Neon Demon, et à de nombreux égards, à la forme de Twin Peaks : The Return, long film, parfois brillant, mais parfois un peu bancal et fourre-tout.
Aussi, si l’on aime beaucoup les deux premiers épisodes (entre les flics de Los Angeles et leur désir d’éradiquer la femme, c’est-à-dire le mal, et Jésus et le cartel au Mexique, dans cet immense ranch où ils jouent au foot), ainsi que l’épisode 6 (le retour de Jésus à Los Angeles, hanté par sa mère flottant dans sa villa ténébreuse) et l’épisode 8 (la mort brutale de Martin, exécuté comme une bête dans des écuries), d’autres épisodes nous plairont moins.
L’épisode 4 et 7, par exemple, des épisodes plus narratifs, plus feuilletonesques, plus oubliables, qui se contente de lier les intrigues entre elles sans introduire de nouveaux décors, de nouveaux personnages, sans, en quelque sorte, prolonger le crescendo de l’ébahissement esthétique. La fin, également, nous décevra. On appréciera pourtant l’idée de dissuader le conflit, l’affrontement final entre Martin et Jésus, réglé sans qu’il n’ait jamais eu lieu, le premier assommé sur une plage, avant que le second ne le fouette, puis massacré à la hache.
On aimera comment le mal naît de cette perte d’équilibre, comment ensuite, la série bascule sans axe, sans plus aucune limite, s’abandonnant réellement dans sa chair au mal, telle une œuvre véritable et adulte, tel donc, par exemple, The Neon Demon. Ou, plus exactement, on aimera l’idée. Car si la première partie de l’épisode 9 était en ce sens très réussi (se concentrant sur la vie post-happy end des méchants), la deuxième partie, additionnée au court et dernier épisode 10, nous fait tomber dans l’ennui. Winding Refn paraît alors ne pas être capable de terminer son œuvre, se perdant dans des séquences répétitives. La fin, notamment, où la grande prêtresse de la mort tue à nouveau des gangsters, laisse perplexe : pourquoi terminer le récit sur quelque chose d’aussi peu nouveau ? C’est, de la part d’un récit si continuellement transgressif, si continuellement mouvant, très décevant.
Bref, contrairement à Lynch et Frost sur Twin Peaks : The Return, Winding Refn se comporte comme un jeune sportif : il n’économise pas ses efforts, il prend les matchs les uns après les autres, au risque finalement, après avoir atteint son second souffle dans le magnifique épisode 8, d’arriver à sa conclusion épuisé. On ne peut pas dire que Twin Peaks : The Return comptait nécessairement moins d’épisodes ratés (plus, même, en réalité), mais il savait, en milieu de saison, reprendre son souffle, pour terminer sur un final fort. Peu important : dans l’ensemble, le cinéma de Winding Refn ressort de cette « série » bien plus fort.
Note : 3,25/5.
Texte © Léo Strintz – Illustrations © DR
Face au Spectacle un workshop d’analyse filmique et sérielle in progress de Léo Strintz.
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