Sans autre couleur : blanc # 2
Les voyages diffèrent comme les passions, les traversées diffèrent de nos attentes, des rêves de transitions nous viennent, d’autres rivages nous appellent, des couleurs évanescentes se confondent sous des chaleurs humides, des moments épars dans le temps, on se demande si cela existe, la nuit ou le jour, si on a rêvé ou si c’était vrai, en se réveillant, on se remémore une étendue d’eau, un confluent pris entre deux rives invisibles, entre ciel et terre, on se souvient avoir vu un mystérieux passeur qui ramait, dans une scène biblique, qui annonçait quelque chose, presque divin, néanmoins humain, dans la pénombre ou sous l’éclat du soleil, sur une chaloupe en bois, dans une coquille de noix, au rythme des flots cadencés, des remous langoureux, on se demande si c’était là-bas ou ici, plutôt là-bas, à moins de l’avoir rêvé, tout paraissait pourtant si vrai, pourtant si réel bien qu’on ne sache plus vraiment, les images sont vaporeuses, lointaines comme des billets jetés dans le vent, entre les mains usées d’un passeur, entre les parois patinées d’une vieille barque, parmi les reflets argentés ou bien les souvenirs incertains qui surgissent opalins et sombres, opalescents et ténébreux, dans les méandres de la mémoire ou à travers ses réminiscences, le long d’un fleuve sacré, sans que personne ne puisse l’imaginer, les couleurs sont souvent imperceptibles, sur les eaux déversées, parmi les bateaux amarrés, les images s’échinent à montrer et les mots à exprimer, quelque chose d’autre, sorti du sommeil comme une soif, un désir, sentir couler sur la peau une fraîcheur surgie de nulle part, qui refléterait tous les voyages, ceux qui diffèrent et ceux qui se ressemblent, qui retiendrait ces moments uniques, ces pauses dans les journées ardentes, une fraîcheur étrange, à la fois tiède, veloutée et limpide, une fraîcheur chimérique, que l’on croirait encore rêver, une blancheur aveuglante, sans autre couleur ni autre matière, que celle d’une pureté égarée et à jamais retrouvée.
Vidéo © Isabelle Rozenbaum – Texte © Sylvia Fast
Le projet Sleeping Works d’Isabelle Rozenbaum a reçu la bourse « Brouillon d’un rêve 2014 » (SCAM).
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