Dimensions variables (Art&Fiction, 2023) est un récit loufoque, tragique, décalé et canaille : une ribambelle de personnages dans la norme, ou complétement délirants, s’agite dans le milieu de l’art contemporain. Les figures s’affirment, les intrigues se tissent et le narrateur, d’une généreuse goujaterie, s’amuse à créer des rencontres pour le plaisir d’en observer les conséquences.
Les variations de forme à l’intérieur du récit, poèmes (Les Cartels), journal intime (Journal de Luc), listes (Questionner le réel), dialogues (Le Rouge de Bourdot), chansons (La Ultima Canzone), mails (Chère Samantha), et les changements de tonalité, de la farce à la comédie dramatique, soulignent les humeurs et les pérégrinations du personnage principal, jouisseur, dandy et artiste, acteur et voyeur, dont on ne saura jamais le nom.
Nous allons tour à tour rencontrer Samantha Cartridge, icone transgenre et transdisciplinaire, DJ Denis aka Alex Deniclerc, branché parisien et artiste multimédia, Giovanna Listo, figure de proue de l’art singulier et clinique, Laetitia Delmas, peintre en Normandie, Julien qui fait tout bien, Bernard Maviel, le post-conceptuel de service, et tant d’autres, sans oublier Luc, l’homme à la bille.
Tout a démarré sur un projet de lecture pour un centre d’art dont le titre était : « Pourquoi j’aime l’art contemporain ? ». Le plaisir mutuel de cette expérience nous a incité à continuer en la développant. Pour écrire ce texte, qui est vite devenu un roman, nous nous sommes réunis tous les mardis après-midi après un bon gueuleton à la Chope Saint Fargeau ou à la Pizzeria la Toscana dans le 20e arrondissement de Paris.
Nous l’avons écrit à quatre mains, en direct, l’un sur le clavier, l’autre contrôlant sur l’écran, à tour de rôle. Le principe était de lancer un mot ou une phrase ou une idée que l’autre valide, infirme, corrige ou annule en proposant d’autres pistes. Chaque mot, chaque ligne, chaque virgule ont été plaisamment négociés. L’un venant de la littérature, l’autre de l’art, les deux flirtant au-delà de leur discipline, le partage d’auctorialité, synonyme de contraintes et de pourparlers, nous a offert un espace de liberté insoupçonné, que nous avons joyeusement et consciencieusement parcouru.
Le récit s’est ainsi dessiné progressivement, au fur et à mesure de nos rendez-vous, la spontanéité étant le moteur de nos jeux d’écriture. Nous nous sommes souvent interrompus en proie à de violentes crises de rires. Notre expérience mutuelle des milieux de l’art n’a été qu’un prétexte pour raconter un récit caricatural et ironique, évitant toute analyse sociologique et critique institutionnelle, une histoire avant tout sur l’humain, ses angoisses et ses choix.
Guidé par ce plaisir d’écrire ensemble, nous avons créé un récit tragi-comique évoquant les comédies italiennes de l’âge d’or du cinéma transalpin. La tendresse et l’empathie en sous-main ou au grand jour parsèment l’histoire de ces personnages. Ce sont eux le cœur de ce récit, à la fois touchants et risibles, fragiles et vaniteux, grandiloquents et inquiets. Malgré leurs égos encombrants, ils sont en quête désespérée de visibilité ou dans des élans de retrait de la vie publique, dans l’euphorie et la démesure, ou dans l’urgence de la disparition, et cherchent tous, souvent maladroitement, une réponse à cette lancinante question: « Qu’est-ce qu’une vie réussie ? ».
Avec (entre autres) : Pablo Buffet, Vassily Courbet, Salvador Derain, Marcel Koons, Andy Magritte, Frida Broodthaers, Jackson Filliou, Marie Beuys, Jean-Claude Picabia, Alex Ensor, Michel Bosch, Robert Giotto, François Laurencin, Piet Klein, Yves Mondrian, Fabien Balzac, Sandrine Zola, Berthe Lancaster, Jean-Paul Bardot, Christine Baudelaire, Robert Hallyday, Solange Bourriaud, Mohamed Michon, Benito Munch, Pedro Nietzsche, Raymond Calvino…
Texte © Pierre Escot & Hubert Renard – Illustrations © Ahura & DR
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