Le titre, Les Pleurs du mâle (Éd. L’Une & L’Autre, 2021), m’est venu à l’esprit en considération des Fleurs du mal, peut-être l’auteur de ce florilège se fut-il diverti d’une lettre changée, d’une autre chapeautée de circonflexe, d’une encore qui s’ajoute en fin de mot. Les trois pour la même consonance. J’avais le titre, et une partie de mon travail déjà accompli en projet d’un nouveau recueil de poésie s’en accommodait incontestablement. Il me restait à finir de remplir les pages. L’air du temps, aussi, s’y prêtait, d’un certain malaise social livrant tout un chacun aux affres de la souffrance, de la plainte et de la solitude soumis à l’ordre d’une cruelle actualité conjoncturelle en conclusion d’enfermement. Je ne me soustrais pas du nombre et de la disposition des êtres que nous sommes, envahis au quotidien de milliers de croisements d’onctuosité et de brutalité, de désir de beauté et d’irréalité, de reconnaissance et de dénégation, d’assentiment et de rébellion, et autres bouleversements en leurs effets de vouloirs et de contradictions qui, à prendre ou à laisser, nourrissent les images et les pensées qui nous traversent. Nul n’échappe aux aléas de la condition humaine, et, mêlé au fondement des intimités, Les Pleurs du mâle s’est inscrit dans les propos déambulatoires de l’esprit voué à ces temps composés de la vie. Endossés de noir (a) ou de blanc (e) les mots qui prenaient corps avaient à se frayer un chemin donnant cause à la fragilité, à la profondeur et à l’attirance parfois drolatique du gouffre des plaisirs et des maux.
En sa chronologie de certains textes relatifs à des événements de la période difficile que nous vivons, cet ouvrage trouve d’obligation sa place en continuité de mes écrits antérieurs quand, pour ce qui relève de la poésie et toute autre forme de narration, il se place où bon lui semble dans les « déjà parus » ou « à paraître », n’a pas d’ordre à recevoir et se glisse informellement dans l’absolu d’une pensée qui m’est chère : la mienne.
À une question qui me serait posée, à savoir ce que le lecteur ressent en tournant les pages de ce recueil, il m’est bien difficile d’y répondre. Tout style d’écriture s’établit selon ses propres règles, la poésie ne doit rien au roman ou au récit qui se réclament de l’inventivité d’un début d’un entre-deux et d’une fin dans le déroulé d’une histoire, voire d’une autobiographie, peuplée de personnages en butte aux réjouissances aux dilemmes et aux intrigues du courant de la vie. De manière autre, la poésie se fonde bien souvent en lettres et nuances de prosodie accordées à l’intime, je n’y échappe pas, y suis sensible et pourrais espérer que le lecteur des Pleurs du mâle, y trouve en parallèle un sentiment faisant écho à sa propre pensée.
Mises à part mes publications consacrées à la photographie focalisée au seul propos du thème engagé, certains de mes écrits, dont ce dernier recueil, s’accompagnent de quelques clichés lesquels, non conformés à la seule représentation de l’image miroir, participent d’une complicité sous-jacente au principe du verbe sans être dans la systématique établie au rapport des mots auxquels ils sont accolés, ou présentés en double page. Prises au hasard de mes ambulations et sans projet particulier au fait de leur destination, ces photographies jaillissent en allusions métaphoriques d’hommage et de phantasme à goût de plaisir et de beauté ; telles ces pierres mousseuses faisant référence au Savon, de Francis Ponge.
On me demande, en ce monde du 21e siècle, en grande partie toujours et plus encore assujetti à la pression de l’individualisme, du consumérisme, de l’informatique et autres douceurs en leurs algorithmes et autres pièges en trompe-l’œil de pouvoir et d’infantilisation, ce que peut apporter la poésie, que dire si ce n’est que :
Au sombre. À la clarté. À toute expression de musicalité.
« l’Art est long et le Temps est court ».
En concept de liberté…
Texte & Photographies © Jeanne-Marie Sens
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