Sans autre couleur : noir # 2
Les images diffèrent comme les souvenirs, les écrans diffèrent de notre univers, des rêves hallucinés nous viennent, d’autres expériences nous appellent, des pixels difformes crépitent sur des écrans mouvants, des films dispersés dans le temps, on se demande si cela existe, la nuit ou le jour, si on a rêvé ou si c’était vrai, en se réveillant, on se remémore les scènes, des visages énigmatiques répétant des phrases inexplicables, entre le fantasme et l’effroi, on se souvient avoir vu une bouche étrange qui sortait d’un écran, dans un imaginaire improbable, qui annonçait quelque chose, presque infernal, néanmoins humain, dans une autre dimension ou sous l’effet d’un dédoublement, dans des lieux indéterminés, des espaces indéfinis, recouverts par l’épaisseur du silence, la moiteur de l’air et l’atmosphère confinée, on se demande si c’était là-bas ou ici, plutôt là-bas, à moins de l’avoir rêvé, tout paraissait pourtant si vrai, pourtant si réel bien qu’on ne sache plus vraiment, les images sont entêtantes, percutantes comme remontées d’un tube cathodique sans limite, d’une gorge profonde subliminale, entre les désirs refoulés des hommes, entre les appétences cachées des femmes, au cœur d’une caverne ancestrale ou derrière des murs infranchissables, dans des villes frontalières ou bien dans des territoires éloignés, parfois impénétrables selon les endroits, sans que personne ne puisse l’imaginer, les corps y sont souvent attirés puis abandonnés, aux confins d’étendues virtuelles où l’existence est une pornographie quotidienne, sous l’influence d’un show télévisé machiavélique, les images s’échinent à fasciner et les mots à réitérer, quelque chose d’autre, sorti du sommeil comme une supposition, une intuition, sentir monter en soi un pressentiment surgi de nulle part, qui révélerait toutes les peurs, celles qui dissuadent et celles qui persuadent, qui abolirait ces moments incertains, ces visions angoissantes dans les journées chaotiques, une émotion étrange, à la fois clairvoyante, pénétrante et saisissante, une émotion chimérique, que l’on croirait encore rêver, une obscurité hypnotique, sans autre couleur ni autre matière, que celle d’une pureté égarée et à jamais retrouvée.
Vidéo © Isabelle Rozenbaum – Texte © Sylvia Fast
Le projet Sleeping Works d’Isabelle Rozenbaum a reçu la bourse « Brouillon d’un rêve 2014 » (SCAM).
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