D’un courant l’autre : Courants fous # 1

Un jour commence à prendre un sens dès qu’une musique s’accorde avec un temps inconnu.
Les morts se privent d’une lettre afin que les mots dilapident à l’envie des lapsus incurables.
Une phrase se jette dans un vide sans début ni fin pour sauver une majuscule et un point final.
Nos souvenirs se perdent enfin dans des délires si nous oublions notre respectueuse mémoire.
L’alphabet n’est plus sérieux depuis qu’il fait l’erreur de se répéter dans des phrases risibles.
Notre folie subvient à toutes nos connaissances si nous ne savons pas pourquoi nous existons.
Les nombres déchiffrent les lettres à condition que notre intelligence compte sur notre folie.
Le double sens de notre langue nous parle de notre goût si nous mangeons afin de nous taire.
Les mots sont beaucoup trop nombreux pour se mesurer à la définition d’un alphabet minimal.
La parole apprend à nous ignorer si nous écoutons les enseignements inaudibles des animaux.
Notre ignorance nous agrandit lorsqu’elle s’inspire des connaissances inouïes d’un nourrisson.
Les jours partent et reviennent pour se mesurer aux retours d’un temps qui ne fait que passer.
Les vibrations d’une folie créent un rythme parce que seule la musique donne un sens à l’art.
Un jour est à portée de voix à condition que nos mains illuminent des silences avec des lettres.
Le présent nous trouve partout lorsque notre place se perde dans des situations imprévisibles.
L’énigme de l’univers est notre meilleur obstacle car elle résiste à nos explications terrestres.
Chaque pensée nous devance dès l’instant où elle corrige une phrase avant qu’elle soit écrite.
Notre corps se dépouille d’une existence si notre cadavre nous expose devant notre présence.
Une parole est plus simple qu’un écrit parce qu’elle révèle le regard d’un monde déjà perdu.
Le silence est juste puisqu’il a découvert les lettres afin de démasquer les ruses de la parole.
Le jeu d’une phrase interprète une ligne de basse pour clarifier le rôle d’une pulsation visible.
L’alphabet est rétif aux intermédiaires car chaque média ébruite fatalement notre illettrisme.
Nos visages figurent leur origine à condition qu’ils imitent la beauté d’une grimace simiesque.
L’électricité voue un culte à un alphabet qui met néanmoins en doute une technologie barbare.
Chaque jour met fin à son existence en vue de nous rappeler que notre mort est derrière nous.
L’art circule d’abord où il n’existe pas car il est irrigué par le sang d’un cosmos omniprésent.

Texte © Philippe Jaffeux – Illustration © DR
D’un courant l’autre est un workshop in progress d’un dispositif poétique du monde, par Philippe Jaffeux.
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