Une note, et ultrabrève :
C’est un soir, ou nuit déjà, d’une pensée secrètement aux spiritueux pour surmonter l’insurmontable de cette pensée même : qu’une écriture reste possible — cette nuit, et plus loin —, sur deux qui comptent plus qu’il n’a été dit, pour qui écrit ici-même ; et s’être d’ailleurs comme engagé à le faire, mais d’un engagement dont il se figurait jusqu’alors qu’il n’engageait à rien, ou alors qu’il pourrait être indéfiniment différé dans le temps de vie. Appeler écrivains les deux, poète plus visiblement s’agissant du premier, Michel Eckhard-Elial, rencontré une première fois par le biais de la revue qu’il dirige, Levant, cahiers de l’espace méditerranéen [1]. Le second : Michel Surya introduit ici par ses Humanimalités (Léo Scheer, 2004), puis Le Monde des amants, suivi de L’Éternel retour (L’extrême contemporain, 2022).
Si distinctes que soient leur écriture, il importera qu’elles accompagnent et presque de concert, depuis la même table dite de chevet ; qu’elles accompagnent avec aura certaine (chargée de futurs, il y aura — ceci, cela, voire plus que ceci et cela). Il serait trop tôt pour écrire mais : qu’il ne soit jamais trop tard. Aussi s’élancer avant que n’advienne s’accentuant le tardif ; s’élancer et surtout — clause —, ne pas comparer les deux écritures, deux pôles scripturaux distincts même si rien ne les oppose, d’aucun climat dit polaire : que serait une écriture de zone glaciaire et glaciale ?
Il y a ici objets de prédilection dont l’écriture même, en avant et très ostensiblement choyée. De leur écriture respective, ce serait manière d’aveu qu’elles apparaissent cette nuit ici un rien indistinctes, non qu’oubliées (seule défectuosité mnésique prise pour une légèreté impossible ; une plongée serait exigée ici qui aura lieu, afin qu’en revienne graduellement le souvenir, même fragmentaire), mais que, en revanche, elles se reconnaîtraient l’une comme l’autre en un instant, d’entre plus d’un millier d’écritures, voire : qu’une Intelligence Artificielle ne saurait contrefaire, et que c’est peut-être cela précisément, une écriture, la résistance même à des captations en l’occurrence inhumaines, encore que programmées, données comme l’avenir et le rêve (une telle phrase gageons sera captée par l’IA — captant jusqu’à la rébellion contre elle — enregistrée comme il importerait que toutes le fussent issues du catalogue mondial.
Que cela se puisse du poème, impensable en l’état. Dater cette phrase. Et certes, qu’est-ce à dire, trop généralement, [ce que recouvre] ce mot de poème ? Note furtive : L’IA arrivera toujours après la bataille des grandes œuvres, pour faire tout au plus — et encore… —, à la manière de, empruntant les manières, inhumainement cela. Il y a que l’intelligence ne suffit pas, l’écriture étant combinaison d’intelligence — soit —, de sensibilité, mots d’esprit, ironie, inventivité — l’IA ici ajoutera). La digression pour dire l’unicité des deux écritures.
Celle de Michel Eckhard-Elial diffusée sur tel réseau à raison d’un à deux poèmes chaque jour (si brefs soient-ils, aux profondeurs telles cependant, et pour lesquelles la brièveté est chance d’ouverture sur des puits référentiels sans fond, indice qu’il y faudra des relectures), lorsqu’il ne s’agit pas de traductions de l’hébreu — essentiellement de poésie. L’ensevelissement en ses poèmes-mondes en est ainsi de tous les jours, souffle que rien ne fait décroître.
Celle de Michel Surya, dont se note la précision réflexive jusqu’en la particulière syntaxe, écriture toute d’infinies circonvolutions tournoyantes autour de leur objet : que le texte, par ailleurs, soit littéraire ou critique (nulle coupure selon laquelle l’écriture se modifierait, se devrait d’être modifiée passant de l’un à l’autre, méconnaissable), la conséquence en est une unité d’ensemble non que d’un seul livre, [un incident ici suspend tout de la note appelée note, il a été dit d’elle : ultrabrève, ce sera le cas].
Texte © Denis Ferdinande – Illustrations © DR
Combinaisons poïétiques est un workshop d’analyse poïétique in progress de Denis Ferdinande.
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[1] Rencontre rendue possible grâce à Muriel et Christian Dufourquet. Un extrait de Toute littérature s’effondre aura paru dans la livraison de 2008-2009 intitulée Levant d’hiver.