Scream 5 (2022) est une véritable déception, parce que la série avait jusqu’alors réussi l’exploit de toujours proposer quelque chose d’intéressant. Le premier volet, bien sûr, était marquant et surtout annonciateur, malgré lui, de tout un cinéma méta qui allait naître. Mais le deuxième volet, dans son dédoublement, dans sa mise en abyme du film dans le film, dans ces pures idées de mise en scène (comme la séquence dans la salle d’enregistrement), n’était pas en reste. Le troisième, plus sérieux, s’enlisait davantage dans sa propre histoire, mais il demeurait stimulant, agréable équilibre entre le mystère premier degré autour de la mère de Sidney, et l’idée de plonger le récit à Hollywood. Et le quatrième, pourtant dispensable, réalisé longtemps après, surprenait néanmoins de par sa jeunesse ; le casting, ainsi que le personnage de Emma Roberts, incarnation de la télé-réalité et du plaisir dans la souffrance, permettait à la saga de demeurer pertinente.
Mais clairement, ici, on marque le pas. Pourtant, le film a bien compris l’intérêt des Scream, et tente de reproduire la formule, tout en l’adaptant à l’époque. Ici, la satire concerne donc le requel, c’est-à-dire les films à mi-chemin entre sequel et reboot, qui misent sur la nostalgie, et donc reprennent d’anciens personnages, tout en démarrant une nouvelle histoire (on pense, évidemment, à Star Wars, épisode VII : Le Réveil de la Force, avec la mort de David Arquette, qui paraît mimer celle de Han Solo).
L’idée, en soi, est intéressante, mais elle paraît trop s’inscrire dans le particulier et pas assez dans le général. Elle ne révèle rien, ne témoigne de rien, notamment parce qu’elle ne réfléchit rien de l’époque autour d’elle : avec le principe de la nostalgie, il y avait pourtant moyen (Trump, la dégénérescence de l’art… enfin South Park l’a fait avec sa saison sur les mémo-myrtilles). Mais ici, pas question de sortir des sentiers établis. On sent que Wes Craven et Kevin Williamson sont absents : leurs successeurs sont des élèves. Des élèves fidèles mais ennuyeux.
Le film, donc, n’a plus la pertinence d’autrefois : surtout, il est, en terme de mise en scène, extrêmement plat. Il ne propose rien, se contente du strict minimum. Pire, le casting est d’une nullité intégrale. Chaque volet précédent proposait un panel d’acteurs représentatif d’une période, tirée des séries – ici rien de tel. Que des inconnus insipides, qui plombent ce film qui aurait bien eu besoin, pour incarner ces personnages qui meurent vite, de charisme et de drôleries. C’est ce que permettaient des interprètes, par exemple, comme Jamie Kennedy ou Rose McGowan qui, malgré leurs morts, restaient dans les esprits. De plus, le retour de David Arquette, Courteney Cox ou Neve Campbell a franchement peu d’intérêt. Autant la présence de Arquette et Cox avait encore quelque chose de beau et significatif dans le quatrième volet, autant là, cela paraît tiré (comme le visage de Cox).
Bref, peu de choses à sauver de ce Scream, dont la pornographie de la mort, d’ailleurs, nous fatigue (mais ici, c’est une lassitude personnelle.). Si, une chose : le retournement de situation final, avec cette idée que les meurtriers sont des fans, qui veulent s’approprier la fiction et se mettre à la réaliser eux-mêmes. Là, Scream 5 semble retoucher un peu au général, à ce reflet du cinéma contemporain que Wes Craven et Kevin Williamson savaient autrefois représenter. Tout le troisième acte, plus généralement, relève un peu le niveau et continue de maintenir notre attention en éveil. C’est déjà ça. Il faudrait simplement que ce Scream soit le dernier. Mais au vu du succès du film, on craint que cela va continuer.
Note : 1/5.
Texte © Léo Strintz – Illustrations © DR
Face au Spectacle un workshop d’analyse filmique et sérielle in progress de Léo Strintz.
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