Les nombres et leur symbolique fascinent depuis la nuit des temps de nombreuses philosophies et sciences, leur conférant des pouvoirs d’interprétation, d’association, d’organisation et de représentation, mais aussi de création.

Pour ma part, c’est en étudiant la calligraphie et le sens des 22 lettres hébraïques que j’ai découvert l’existence d’une mystérieuse 23ᵉ lettre : la « lettre manquante ». Mais dans un monde déficient comme le nôtre, cette lettre est invisible et inopérante, selon l’historien et philosophe Gershom Scholem. Par essence, elle serait pourtant porteuse d’une forme de perfection, à condition qu’un processus de dévoilement advienne lors d’un prochain cycle cosmique.

Le nombre 23 est ainsi devenu pour moi une énigme et un axe de réflexion introspectif : que peut encore montrer une image après les images du « Désastre » ? Cette question est au cœur du projet Image manquante, qui interroge la mémoire, les empreintes laissées sur la psyché et le corps, ainsi que la possibilité d’une révélation après l’effacement. Ce projet photographique s’articule au sein d’une construction combinatoire sous la forme d’un « carré magique », où 23 séries se déploient, chacune composée de 23 images autonomes et complémentaires. La 23ᵉ image, essentielle, incarne le dévoilement de « l’image manquante », à la fois point de rupture et de basculement. Elle constitue un seuil : elle marque le passage de l’absence à la révélation, du manque à une forme de vision. Elle est le point d’équilibre entre la fragmentation et la totalité, le moment où le mystère prend corps.

L’ensemble des 529 photographies (23 x 23) constitue une vision révélée et révélatrice de notre époque, de ses crises et de ses symptômes.

Texte & Illustration © Isabelle Rozenbaum/ADAGP
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