L’avant-dernier Livre : édition & déluge littéraires

Tout péché et tout blasphème seront pardonnés aux hommes, mais le blasphème contre l’Esprit ne sera point pardonné. (Matthieu 12, 31)

L’avant-dernier livre, et après…
Le contenu du livre enfanta, puis habita l’humanité, et en cela il est sacré. Les mots qu’il comporte créent la vie, fabriquant une sorte de Golem, une entité faite de lettres, un serviteur de l’esprit et de l’épistémologie, avant qu’il ne disjoncte, devenu un monstre trop imposant, incapable de distinguer le bien du mal, mais capable de semer le désordre ou la terreur. Le texte, devenu livre, s’autodiffuse comme un virus et nous métamorphose : il se déploie au fil du temps et remet en question nos croyances et nos acquis, jusqu’à refondre nos matrices de pensée, ainsi que les éléments fondateurs de notre civilisation, comme le firent les palimpsestes préchrétiens. Le livre est un démiurge. Son histoire creuse le sillon de notre civilisation et sème les germes de sa fin et de son recommencement.

La vie de Henri Veyrier nous permet de mieux appréhender l’évolution de la littérature depuis la fin du 19e siècle. Suivant ou précédant les révolutions sociales, scientifiques et structurelles, elle fut supportée par des mouvements successifs et des collectifs jusqu’à l’avènement d’Internet. Cette innovation – sans doute la plus importante depuis l’imprimerie – bouleversa la diffusion et la distribution de l’information, du papier et du livre.

Dès la fin du 19e, les visionnaires, tels Lautréamont (Les Chants de Maldoror) ou Edgar A. Poe (Eureka) entre autres, annonçaient à leur manière Tzara et le dadaïsme, Breton et le surréalisme, Isou ou Hausmann et le lettrisme, Picasso et le cubisme, l’action painting de Jackson Pollock et sa référence au chamanisme ; et une redécouverte de la cité, celle de Debord et du situationnisme. Avec un mouvement d’avance, seul ou collectivement, les poètes, les écrivains ou les peintres, les philosophes ou les métaphysiciens inventèrent le décor d’un monde en devenir. La forme littéraire, poétique ou picturale se disloqua, précédant la fracture de la société ; elle allait dans le sens de la diffraction de la lumière, puis de la fission nucléaire. La métaphysique cheminait de concert avec la physique : comme dans l’Antiquité, les prémonitions des physiciens étaient de même nature que celle des philosophes [1]. Créative ou prédictive, la littérature fit que le pressentiment d’un avenir différent bouleversa la conception de notre temps.

Le texte et la prophétie
Ces auteurs n’étaient pas pour autant des prophètes ou des visionnaires s’inspirant des cycles humains et cosmiques (comme le furent, par exemple, Saint Jean, Ézéchiel, Saint Malachie, Paracelse, Joachim de Flore, Nostradamus, Dante Alighieri, Saint-Yves d’Alveydre, et de nombreux autres), bien que l’on puisse penser que toute œuvre est par essence prophétique ; que la divination ne se cache pas uniquement dans les entrailles des volatiles, dans les cartes de tarot ou dans la numérologie ; que l’inspiration littéraire modifie l’état de conscience de l’auteur comme le ferait une drogue (Dick, Orwell ou Huxley). Les 24 000 vers de L’Iliade et de L’Odyssée (dont on doit l’initiative de la première traduction latine à Pétrarque, réalisée par Léonce Pilate vers 1360) couvrent le passé et le futur ; un passé inscrit sur les murs de Troie anéantie, et un futur dans un périple initiatique et dans l’image de Hélène délivrée ; l’avenir projeté au travers d’un voyage cyclique qui mène au centre de la maison où se tisse la tapisserie du temps. Un livre élaboré autour d’un artifice pour obtenir une intrusion : le cheval de Troie, à la fois l’histoire et son support : l’apparence trompeuse d’une couverture/cheval sous laquelle s’entassent – on pourrait l’imaginer – les mots/guerriers refondateurs des territoires occupés. Le cheval/navire de bois [2] – dont on fait le papier – aurait alors figuré l’emboitage ou la reliure, qui ferme et protège le livre : du ventre ouvert d’où les mots s’envolent pour détruire, puis initier une fantastique odyssée dans l’inconnu.

Un voyage mythique et symbolique autour de la méditerranée, placenta de notre civilisation arabo-gréco-romaine qui accoucha de triplés — le juif, le chrétien et le musulman. Une odyssée qui conduisit Ulysse de l’est vers l’ouest (de l’Asie Mineure à Ithaque), une direction identique à celle qui prévalut pour les migrations des populations (et du cheval justement [3]), ainsi que les invasions, pendant les millénaires qui nous ont précédés ; et dans le cadre de notre sujet, une direction qui marqua les étapes de l’invention de l’imprimerie[4], de la Chine (9e siècle), puis l’Iran (10e siècle), l’Europe (15e siècle), jusqu’aux États-Unis (17e siècle). Cette épopée serait ainsi le contenant et le contenu prophétique de tous les livres à venir.

Les hommes de l’agora
Le contenu du futur livre imprimé s’élabora sur plusieurs siècles, au travers la parole, des traces ou des témoignages d’un passeur à l’autre. Avant que le livre/objet n’existe, les œuvres (inscrites sur des tablettes, partiellement recopiées sur des parchemins ou tout simplement transmises oralement) nous sont parvenues de manière aléatoire. Le volumen à base de feuilles de papyrus collées les unes aux autres qui se roulaient, créé en Égypte vers 3 000 avant J.-C. fut un support fragile du texte dans tout le monde méditerranéen. Il faudra attendre le premier siècle av. J.-C. pour qu’apparaisse le codex, un livre relié. La plupart de ces ouvrages disparurent, notamment après les destructions successives de la bibliothèque d’Alexandrie (entre 50 et 600 après J.-C.). Le panthéon littéraire, philosophique et métaphysique de nos ancêtres, qui n’ont jamais été édités de leur temps, est pourtant prodigieux : Ésope fut le créateur de la fable (-620 -564) ; Héraclite – « à ceux qui descendent dans les mêmes fleuves surviennent toujours d’autres et d’autres eaux«  – nous dit que le logos est le principe de toutes choses (fin du 6e siècle avant J.-C.) ; Pythagore (-580 -495) – celui qui a été annoncé par la Pythie – n’a jamais rien écrit. Sa vie, mal connue, ne permet pas d’éclairer l’histoire de ce réformateur, inventeur du concept de philosophie. Il fut le créateur de l’univers des nombres et de la musique des sphères. Hérodote le cite comme « l’un des plus grands esprits de la Grèce » et Hegel disait qu’il était « le premier maître universel » ; Parménide (-495 -444) et l’école Éléate, étudia la philosophie de l’Être et fut le maître à penser de Zénon d’Élée (-490 -430) avec ses paradoxes temporels ; Empédocle (-495 -444) appartint au courant présocratique qui a tenté de découvrir l’arché. Il posa deux principes de l’univers, l’Amitié et la Haine qui engendrent les quatre éléments : l’eau, la terre, le feu et l’éther (ou l’air) ; l’Amitié étant une force unitaire de cohésion, par opposition à la Haine, une force démultipliée de division ; Socrate (-470 -399) n’a laissé, lui non plus, aucun écrit, mais sa réputation s’étoffa au fil des témoignages. Une condamnation à mort et sa présence dans les œuvres de Platon ont contribué à faire de lui une icône majeure ; Démocrite (-460 -370) conçut un univers constitué d’atomes et de vide, proche de notre concept de structure atomique ; Platon, mystique mythologue (-428 -348) reprit le travail philosophique de certains de ses prédécesseurs, notamment Socrate dont il fut l’élève, ainsi que celui de Parménide, Héraclite et Pythagore ; Aristote (-384-322), théologien rationaliste, disciple de Platon, aborda tous les domaines de connaissance : biologie, physique, métaphysique, logique, poétique, politique, rhétorique, économique ; on ne connaît pas les dates de l’existence d’Euclide, auteur de Éléments, texte fondateur sur la géométrie et l’arithmétique. Une partie de son œuvre a été perdue ; Diogène (-412 -323), réfugié dans son célèbre tonneau, fut sans doute le premier anarchiste.

Les trois tragédiens que furent Eschyle (-525 -456) dont seulement 7 pièces sur 110 nous sont parvenues, Sophocle (-495 -406) dont nous ne connaissons que 8 pièces sur 123 et Euripide (-480 -406) pour 18 ou 19 pièces sur 95 sont les précurseurs du théâtre classique et forgèrent nos mythologies. Seulement 11 sur 44 comédies d’Aristophane nous sont connues, ainsi que quelques fragments. L’Agora, rassemblant les écoles des physiciens et des philosophes, centre culturel de la Grèce antique, fut, en son temps, une plateforme d’échanges où se retrouvaient maîtres et élèves, ce qui facilita la germination et la diffusion des éléments de base de notre civilisation judéo-chrétienne occidentale sans que le livre/papier ne fût nécessaire. Ces auteurs y ensemencèrent les germes de notre culture, sans passer par la casse de l’imprimerie qui contiendra deux mille ans plus tard les caractères de plomb. Au début de l’ère chrétienne, la littérature changea d’apparence, ce fut le début du roman (Satyricon). Surfant sur le passage du grec au latin, le Ier siècle vit éclore les œuvres fondatrices majeures de la culture romaine qui s’inspiraient des mythes homériques, dont certaines parmi les plus représentatives furent écrites au siècle précédent : l’Énéide ou les Georgiques de Virgile. Cette régurgitation nourrit l’œuvre d’Ovide : les Métamorphoses prenaient leurs références chez Homère, l’Iliade et l’Odyssée, ou chez Hésiode (son prestigieux contemporain), auteur de la Théogonie (déroulant une généalogie des dieux et une cosmogonie qui retrace l’histoire de la création du monde à partir du chaos).

Les premiers avatars
Le codex était déjà un livre constitué. Sa forme compacte, recto verso, indexable, plus complète et facile à parcourir qu’un parchemin, mit en valeur les deux natures (l’alpha et l’oméga) de la pensée : prophétique, visionnaire et incantatoire (disons mystique), évoquant Dieu et les mystères de la création ; ou bien historique et hagiographique (disons théologique), énumérant les lois qui régissent le monde et les faits qui s’y réfèrent. Ces deux visions opposèrent les flux de notre Histoire, spiritualistes ou matérialistes ; chez nos anciens, Platon et Aristote, par exemple, plus près de nous Kircher et Diderot : le génie de l’homme tient-il de l’inné et des mythes, ou plutôt de l’expérience acquise et de la connaissance ? Le monde est-il régi par des lois à l’échelle du macrocosme ou du microcosme ? Est-il un tout cohérent ou bien est-il constitué d’une multiplicité d’interférences ? Cette question devint cruciale lors de l’émergence du christianisme et la croyance conjointe en la crucifixion, la résurrection et l’élévation. Le nouveau dieu, était-il d’une essence absolue, abstraite et cosmique, comprenant dans une même substance à la fois le Père, le Fils et l’Esprit, ou bien la synthèse unitaire d’une trinité bien identifiée, séparant le dieu du fils et de l’esprit ? C’est l’aspect trinitaire qui prévaudra au 4e siècle avec le concile de Nicée, excluant tous les textes apocryphes qui traitaient des convictions contraires : voulant mettre fin à la querelle qui divisait les chrétiens à propos des rapports entre le Fils et le Père, l’empereur athée Constantin convoqua et présida un concile œcuménique le 20 mai 325 dans la ville de Nicée, en Bithynie. La conception inspirée par les thèses du prêtre Arius (la subordination du Fils au Père) y est condamnée. À partir de ce concile jusqu’à la séparation des Églises d’Orient et d’Occident (sous l’impulsion de l’empereur Justinien qui aboutira au grand schisme en 1054, et au sac de Constantinople en 1204), on parlera de christianisme nicéen, orthodoxe ou homoiousien. Ce débat, interprétant et opposant les textes les uns aux autres, engendra pendant plus de dix siècles toutes les atrocités possibles jusqu’aux inquisitions du Moyen-Âge. Au commencement, les apôtres eux-mêmes, dont les écritures s’espacèrent entre 65 et 90 après J.-C., auront des visions différentes de la parole du Christ (Jean professait le logos incarné). Des grottes de Qumrân aux catacombes, c’est dans des souterrains (les chevaux de Troie) que s’enfouirent les textes dont l’herméneutique est encore contestée de nos jours.

La fabrique de l’Histoire
Ces ouvrages, prologues aux persécutions chrétiennes pendant les premiers siècles de notre ère, aux persécutions des juifs au Moyen-Âge, aux six croisades pour la reconquête de Jérusalem entre 1096 et 1228 et la guerre de Cent Ans, seront aussi responsables des inquisitions et des affrontements politiques et religieux qui ne cessèrent d’ensanglanter notre Histoire (du martyr de Hypatie au 4e siècle jusqu’à l’exécution de Jacques de Molay, le dernier maître de l’ordre de chevalerie [5] des Templiers au 14e siècle, ou le bûcher de Jeanne d’Arc au 15e siècle). Ils seront aussi, à l’inverse, à la source de l’écriture des Chevaliers de la Table Ronde (12e siècle), de la Légende du roi Arthur, de Galaad le pur, et de la quête du Graal, thèmes universels utilisés jusqu’à nos jours pour nourrir les blockbusters hollywoodiens. En précisant que ce fut au cours des 12e et 13e siècles que Gengis Khan et Marco Polo transportèrent du matériel d’imprimerie xylographique vers l’Europe préfigurant l’invention de l’imprimerie avec des caractères mobiles. Cette invention fut attribuée en 1454 à Johannes Gutenberg, qui imprima une bible contenant 42 lignes par pages et des blancs à la place des lettrines et des enluminures pour qu’elles puissent être peintes à la main directement sur les feuilles une fois tirées. Son associé Johann Fust (ou Faust) vendit son âme au diable en proposant de fausses vraies bibles aux amateurs crédules. Venait de naître le cycle de la reproduction qui allait perdurer jusqu’à nos jours :

Pour un de ces gnostiques, le visible univers était une illusion (ou plus précisément) un sophisme. Les miroirs et la paternité sont abominables (mirrors and fatherhood are abominable) parce qu’ils le multiplient et le divulguent. [6]

Un débat reste en suspens sur la date exacte de l’invention de la presse à imprimer en Europe. En 1430, le hollandais Laurent Coster précéda Gutenberg en imprimant Speculum humanae salvationis à Haarlem avec des caractères mobiles en bois. Son ouvrier, Jean Genfleish, fils du frère ainé de Gutenberg, aurait emporté le matériel chez son oncle en 1439 après la mort de Coster. Pour mémoire, Gutenberg fit faillite et mourut écrasé sous les dettes et les procès. L’histoire de la typographie fut indissociable de celle de l’imprimerie. À la Renaissance la lettre s’inscrit dans un module qui ressemble à celui de l’Homme de Vitruve dessiné par Léonard de Vinci : un cercle dans un carré. L’imprimerie permit la vulgarisation et la diffusion des œuvres et des idées dans toute l’Europe, provoquant de sanglantes controverses entre les universités. Ce fut l’époque de la naissance d’innombrables éditeurs/libraires, pour la plupart d’entre eux, écrivains, traducteurs, philosophes ou poètes, qui s’installèrent dans les grandes villes, en France, en Allemagne, en Hollande, en Italie ou en Espagne, ouvrant parfois plusieurs boutiques sous leurs enseignes. Le 16e siècle vit naître et se construire une Europe cultuelle. Ce fut l’institution d’une langue nationale en France, imposée par François Ier, la langue dite vulgaire (c’est ainsi que se nommait la langue française, par opposition aux langues universitaires, le latin et le grec). Une époque où les textes et leurs auteurs furent poursuivis, parfois condamnés à mort, comme Étienne Dolet jugé apostat pour une traduction litigieuse d’un texte de Platon (il s’agissait d’un seul mot !) traitant de l’immortalité de l’âme, et traîné sur le bûcher, place Maubert à Paris en 1546 [7]. De nombreux auteurs utilisèrent alors la langue des oiseaux qui leur permettait de cacher le sens d’un texte sous un langage codé [8].

Le crime du langage
La traduction en allemand de la Bible par le réformateur Martin Luther (publiée en 1522 d’après les textes originaux en grec du Nouveau Testament accompagnés des textes apocryphes et en 1534 d’après les textes en hébreu de l’Ancien Testament) mit le feu aux poudres. Considérée comme l’œuvre fondatrice de la langue allemande moderne, cette Bible complète réformait les interprétations des textes tels que les avaient légiféré les conciles successifs et les bulles apostoliques depuis le 4e siècle, en cadrant les contours de ce que devait être le catholicisme. La Réforme revenait aux fondamentaux chrétiens, à la parole du Christ chassant les marchands du Temple, prônant l’austérité et l’amour du prochain, excluant toutes les formes de corruption de l’âme. Elle remettait en perspective La Cité de Dieu d’Augustin d’Ippone ; ainsi que sa vision macroscopique du monde : « Mais Toi, tu étais plus profond que le tréfonds de moi-même et plus haut que le Très-Haut de moi-même »[9]. Une attitude qui était semblable à celle des mouvements bogomiles et cathares, ainsi qu’à celle du tchèque Jan Hus, prédicateur supplicié en 1415 : « Ils peuvent tuer l’oie (hus en tchèque), mais dans cent ans, apparaîtra un cygne qu’ils ne pourront brûler ». La Bible de Luther connut un succès immédiat, amplifié par la diffusion qu’autorisait la récente imprimerie. Mais les livres ne sont pas innocents, du moins ceux qui sont porteurs d’idées. « Language is now a virus », disait William S. Burroughs [10]. Cette assertion (adaptée dans le titre d’une chanson de Laurie Anderson) nous dit que le langage agit sur l’inconscient collectif, comme le ferait un virus sur les cellules, et se propage comme une épidémie dans l’esprit des populations.

Les écrits protestants de Martin Luther et ses apôtres, épaulé par ceux du Suisse Jean Calvin allaient provoquer le grand schisme, les massacres de protestants (le massacre de la Saint-Barthélémy en 1572), puis la guerre de Trente Ans (le premier grand conflit des Temps modernes). Elle ruina l’Europe centrale et affaiblit l’Allemagne, avec cinq millions de victimes dans le Saint-Empire Romain germanique pour une population totale de quinze à vingt millions d’habitants. Les massacres de protestants se perpétuèrent en France, dans les Cévennes jusqu’à la fin du 18e siècle. Ce grand débat théologique et métaphysique s’éclaircira toutefois tout au long du 17e siècle, avec l’apparition de philosophes, dits empiristes, qui vont tenter de résoudre le paradoxe qui divisait et mettait à feu et à sang les peuples, en proposant une alternative : l’être humain n’était-il pas en fin de compte le produit d’une expérience personnelle et d’une intuition étayée par l’observation de situations singulières analogues et des hypothèses qu’elles suscitent. Francis Bacon (crédité des œuvres de William Shakespeare par quelques historiens) en fut le père, auteur notamment de Instauratio magna, un ouvrage encyclopédique rédigé en latin, dont la seconde partie (la seule à avoir été achevée) – le Novum Organum expose une méthode inductive visant à dépasser la logique aristotélicienne. Ce fut l’époque d’une première migration de protestants anglais dissidents de l’église d’Angleterre, vers l’Amérique, et la découverte d’une nouvelle Atlantide.

Le tracé d’un itinéraire
L’empirisme qui rassemblait des auteurs anglais tels John Locke, George Berkeley, David Hume, Thomas Hobbes – en France, Étienne Bonnot de Condillac – développa des thèses reprises ou controversées par Descartes, Voltaire, Schopenhauer et Kant. Il nous conduisit, si l’on accepte d’induire une continuité d’idée entre l’empirisme (expérimental) anglais et la phénoménologie (intuitive) allemande [11], vers Hegel, Husserl et Heidegger. Francis Bacon (à l’origine de l’alphabet bilitère, à deux lettres) défendit également l’idée d’une langue philosophique universelle, avec Leibniz, George Dalgarno (Ars signorum, 1661) ou John Wilkins (An Essay towards a real Character and a Philosophical Language, 1668). Jorge-Luis Borges, dans sa nouvelle allégorique et fantastique, Tlön Uqbar Orbis Tertius, imputa à quelques-uns parmi ces auteurs la création d’un monde nouveau censé se substituer au nôtre par étapes jusqu’à la fin du 20e siècle ; phases relatées dans d’hypothétiques éditions successives d’encyclopédies. Borges imagina que les habitants de ce Nouveau Monde parleront un langage différent des nôtres.

Le siècle dit des Lumières, avec les auteurs de l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, point culminant de l’édition, nous emmena Du Contrat social à Saint-Just (le Montagnard qui s’opposa violemment aux Girondins), auteur de L’Esprit de la Révolution et de la Constitution de France et des Fragments d’institutions républicaines. Il participa à la rédaction de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, inspirée des ouvrages de Jean-Jacques Rousseau, mais qui fut aussi, hélas, le prodrome de la Terreur, pendant laquelle environ 500 000 personnes seront emprisonnées, 100 000 exécutés, victimes notamment des massacres du Mans, de Savenay, des colonnes infernales, des noyades et des fusillades de Nantes. Puis, la Révolution française mit Napoléon Bonaparte au pouvoir. Il initia le Code civil, visant à encadrer la protection des citoyens, mais il fut aussi responsable de plus de 2 millions de morts tout au long de guerres sanglantes et de conflits européens jusqu’au désastre : Waterloo et la retraite de Russie. Napoléon, Prométhée moderne selon Victor Hugo, fut une figure indissociable du Romantisme traversant la littérature du 19: Tolstoï (Guerre et Paix), Balzac (Adieu, La Peau de chagrin, Le Médecin de campagne), Chateaubriand (Mémoires d’outre-tombe), Stendhal (La Chartreuse de Parme), Victor Hugo (Les Châtiments, Les Misérables) ; il apparut également comme une figure emblématique des poètes romantiques (Byron, Quinet, Heine, etc.)

Rêve et cauchemar
Au début du 19e siècle, le capitalisme, qui fut d’abord économique, prit un nouveau visage avec le développement de l’industrie productiviste qui provoqua une forte réaction sociale sous la pulsion du nouveau communisme, un composant du socialisme, imaginé par Karl Marx et Friedrich Engels en Allemagne, prônant une société égalitaire. En France, de nombreux mouvements révolutionnaires (notamment la révolution de 1948) s’en réclamèrent. En 1859, Karl Marx acheva la Critique de l’économie politique dans laquelle il déclara : « Je ne pense pas qu’on n’ait jamais écrit sur l’argent, tout en en manquant à ce point » [12]. En 1867, il publia, après plus de vingt ans de travail, la première partie du Capital. Malade, il ne laissera de la suite que des brouillons qui seront achevés et publiés par Engels. Il rédigea un des plus importants ouvrages des temps modernes, dessinant les contours d’un monde théorique ou utopique (en tout cas jugé comme tel par ses détracteurs).

Pour simplifier, Marx concluait que le capitalisme était un système injuste et instable qui aliénait les êtres humains ; il fallait lui substituer un mode de production fondé sur la propriété commune, passant du salariat au travail libre et coopératif. Cet ouvrage devint un brûlot, lors de la révolution russe et la révolution d’Octobre, entre les mains de Trotski (La Révolution permanente) et de Lénine, qui aboutira à la dictature de Staline, et aux goulags. Au nom de la modernisation industrielle à marche forcée, les années 1930 en URSS seront des années de purges, de déportations et d’assassinats de masse. Staline sera crédité de la mort de 15 à 20 millions de personnes. Exactions qui se perpétueront après sa mort, au fil des persécutions, telles celles de la révolution de 1956 à Budapest, en Hongrie. On pourrait également évoquer Le Petit livre rouge, et les 70 millions de morts imputés à la révolution culturelle de Mao Zedong [13]. Puis Mein Kampf et l’effroyable génocide juif ; ou les atrocités perpétrées par Pol Pot avec près de 2 millions de victimes (soit le cinquième de son peuple…). 

L’incantation
L’histoire de la physique moderne, support de la philosophie contemporaine comporte aussi sa propre histoire. Galilée au 16e siècle en a été le premier prophète. En 1633, le Dialogue des deux systèmes du monde sera sévèrement jugé par la Commission du Saint-Office, et Galilée devra s’abjurer. Nés de cette gestation, suivront Blaise Pascal, Christian Huygens, Isaac Newton, Thomas Young, Max Planck, Niels Bohr, Louis de Broglie, Albert Einstein, Enrico Fermi, Werner Heisenberg, Erwin Schrödinger, Paul Dirac, Ettore Majorana, Richard Feynman, etc. Autant d’auteurs d’ouvrages, d’équations ou de formules poétiques (Paul Dirac : « Mon résultat est trop beau pour être faux ; il est plus important pour une équation d’être empreinte de beauté qu’en accord avec l’expérience » [14]), des physiciens en quelque sorte créateurs et poètes. Ils chamboulèrent le 20e siècle et furent les prophètes d’un nouvel univers. Internet en est un exemple, hélas aussi, à l’origine du nucléaire dévastateur, des 250 000 victimes de Hiroshima et de Nagasaki ; et surtout du stockage hallucinant de 16 000 ogives nucléaires (et bombes atomiques) qui menacent le monde, sans oublier le programme de recherche militaire de Los Alamos, et le projet Manhattan développé par Robert Oppenheimer.

Les livres ouvrent les portes d’une antichambre habitée par des ombres terrifiantes, le vestibule d’un avenir encore inconcevable. On peut rappeler dans ce contexte la fameuse phrase d’Antonio Gramsci, trop citée sans doute, pas toujours à bon escient : « Le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres » [15]. Cette attente – cette appétence – nourrit la déferlante crachée par les rotatives, évolution normale de l’imprimerie visant à augmenter sans cesse les tirages et la diffusion de livres jusqu’à l’apoplexie auxquels s’ajoutent l’édition quotidienne, hebdomadaire ou mensuelle de journaux d’actualité ou satyriques, de revues littéraires, de tracts pamphlétaires ou publicitaires, de feuilletons. Elle submerge notre quotidien et détruit une partie de nos forêts ; et alimente, malheureusement, le pilon, ogre vorace dont il est convenable d’en taire les ravages (100 millions de livres sont pilonnés chaque année en France [16]…).

Lorsque nous parlons du livre, nous évoquons son contenu, mais aussi son volume et le papier qui le contient, nécessaire à sa diffusion. Le papier imprimé connut une production pléthorique au 20e siècle. La diffusion et la distribution du livre prirent le pouvoir sur l’auteur, un pouvoir économique plutôt que culturel : pour vendre, il fallait surproduire. Le produit doit être visible, tentateur, l’emballage séducteur. Mais quelqu’un en assume le coût, et ce n’est pas le distributeur, collecteur du produit de la vente, mais in fine le producteur, l’éditeur qui paye le coût du déchet ; et par ricochet, injustement l’auteur, le créateur, sans lequel aucune édition n’eut été possible. Ce système délétère est la cause du sacrifice du livre/papier, devenu un simple produit de consommation, lobotomisé, sans matière ni saveur comme un fruit vendu dans un supermarché. Jean-Jacques Pauvert nous disait en son temps, dans une interview donnée au Nouveau Candide (1960) : « Il y a des éditeurs d’un côté, et des industriels de l’autre ». Le livre devint également, dans ce cadre, un produit de manipulation publicitaire (entre les mains de lobbyistes), de manipulations électorales (entre les mains de politiques). Un outil de propagande, de complot ou de conspiration, si l’on s’en tient aux allégations du publicitaire Edward L. Bernays qui théorisait sur la manipulation des foules, et la manière d’agir sur le ça de l’inconscient collectif [17].

Langage is now a virus
Revenons à Homère et au cheval de Troie et poursuivons la métaphore homérique en partant du cheval/livre, porteur de guerriers cachés dans ses entrailles, pour évoquer le cheval et ses avatars bénéfiques ou maléfiques (kelpie, centaure, sleipnir, gripoil, destrier, mustang, licorne ou monture de la chasse sauvage), autant de symboles représentatifs de toutes les formes de la littérature, qu’elle soient créatrices ou destructrices, dans des domaines aussi différents que le fantastique, l’éducation, le surréalisme, le romantisme, l’aventure, l’épopée ou l’ésotérisme ; et se souvenir que la littérature créa Pégase qui jaillit de la mer, fusa vers le soleil et la lumière, se dissolva en fin de périple en particules lumineuses et s’éparpilla dans le cosmos sous forme de constellation. Cette allégorie évoque les transformations [18] depuis l’origine des eaux primordiales, jusqu’à l’aboutissement dans un monde différent dont on ne sait encore s’il sera bon ou mauvais, mais dont on sait qu’il sera sous l’emprise des ondes dans un univers quantique. C’est dans cet état que la diffusion du papier deviendra inutile :

L’imprimerie maintenant abolie a été l’un des pires fléaux de l’humanité, car elle a tendu à multiplier jusqu’au vertige des textes inutiles. [19]

Elle laissera la place à une propagation par Internet, un réseau composé de millions de réseaux universitaires, commerciaux ou d’états, publics ou privés eux-mêmes regroupés en réseaux autonomes, offrant une connexion infinie avec la population mondiale : transfert à la vitesse de la lumière de fichiers de texte, de documents, de musique, de vidéo et d’objets (big data), permettant un échange transversal, indispensable à toute construction d’une pensée collective, raison d’être du livre. Le diffuseur/distributeur de papier finira par disparaître petit à petit au profit du fournisseur d’accès ; même si la diffusion/distribution du papier se maintiendra peut-être encore quelque temps pour des livres jetables, des livres/gadget, des livres/hamburgers ou des tracts à distribuer à la sortie ou à l’entrée des métros dans les métropoles. Nous avons déjà vu disparaître sous leur forme papier, les annuaires, les dictionnaires, les encyclopédies. Aujourd’hui, les journaux sont numérisés. Les jeux vidéo associent les graphistes, peintres, écrivains et poètes pour fabriquer de la cyberculture [20]. Le livre populaire, le roman et le feuilleton nourrissent aujourd’hui les synopsis des séries anglo-saxonnes diffusées par les plateformes d’accès. La Bibliothèque nationale de France et Google numérisent et sauvegardent (le papier des livres tomberait en poussière) l’ensemble du patrimoine littéraire mondial et le distillent sur les réseaux ou les tablettes. Les bibliothèques sont devenues trop étroites dans des logements qui rétrécissent, et inutiles pour le voyageur moderne ou le migrant.

Chaines brisées
L’informatique (langage) et le Net (espace) permettent un total reformatage du texte : ils offrent la remise en forme, la mondialisation et le transport, brisant les contingences de la chaîne du livre : plus de traducteurs, plus de correcteurs, plus de maquettistes, puisque pour fabriquer le fichier d’un ouvrage, l’ordinateur met à disposition de l’auteur tous les logiciels nécessaires. Plus de papiers ni d’imprimeurs, puisqu’il n’y a plus qu’un livre unique mis à la disposition en temps réel (comme une vidéo à la demande) de tous les lecteurs de la planète. Plus de diffuseurs ni de distributeurs, plus de frais de port, plus de pilon, puisqu’il n’y a plus d’envoi, ni de tirage excessif. Il n’y a qu’un livre contenant tous les livres [21], accessible pour tous en un seul clic. Cette vision apocalyptique pour certains n’est, certes, pas concevable pour d’autres, car sa matérialisation implique la disparition de nombreux acteurs. Déjà, de profondes mutations s’annoncent après les disparitions successives de certains métiers (typographes, photograveurs, linotypistes, correcteurs), et de genres éditoriaux qui se convertissent au numérique (encyclopédies, dictionnaires, journaux et revues d’actualité). Elles concernent également le partage du droit d’auteur, ainsi que l’enseignement. Hachette et Amazon se disputent le monopole de l’e-book aux États-Unis. Il s’agit donc bien d’une transformation radicale de nos outils de communication influant sur notre manière de penser et d’agir.

Le premier projet spectaculaire dans l’univers du Net est le GNU, à la base de la création de Wikimédia, proposé par Richard M. Stallman en 1984 (une année qui n’est pas sans évoquer un fameux roman). Ce projet, soutenu par une communauté de Hackers (Free Software Foundation), s’inscrit dans une démarche sociale et créative. Il contourne les systèmes d’exploitation propriétaires qui ont un droit d’ingérence sur les données : Richard M. Stallman défend la liberté d’utilisation des textes et des images, le copyleft par opposition au copyright. Une œuvre diffusée sur le Net pourra être transformée. Les droits sur cette œuvre modifiée (et modifiable) appartiendront au domaine public. Elle sera offerte comme de la matière brute à une collectivité de créateurs. Dans le domaine de l’éducation et de l’enseignement, les écoles 42 et leur programme « Matrice », regroupent des établissements privés d’autoformation en informatique créés en 2013 par Xavier Niel (fondateur de Free), Nicolas Sadirac, Kwame Yamgnane et Florian Bucher. L’originalité de cette formation réside en la disparition de l’enseignant et de l’ouvrage scolaire. Les étudiants s’organisent entre eux : devant un ordinateur dépouillé de toutes informations ou de tout logiciel, mais connecté. Ils auront à résoudre des problèmes complexes uniquement en communiquant les uns avec les autres. Les élèves les plus doués apportent leur créativité aux plus faibles dans un système de communication dit « de pair à pair » (peer-to-peer), par lequel le client est aussi le serveur. En termes de pédagogie, les notes seront attribuées à un groupe, suivant le principe de la note la plus basse. Les meilleurs devront faire monter les niveaux des plus faibles. Chacun devient ainsi l’élève et le professeur. Cette méthode d’enseignement bouleverse les codes admis, dans la mesure où elle exclut toutes méthodes verticales. Le document virtuel qui en sortira sera obtenu sans papier, même si le logo nostalgique de l’école 42 évoque la technique de l’origami, art du pliage papier, ce qui est paradoxal, puisque l’enseignement qu’il dispense le supprime…

Le poète et théoricien Kenneth Goldsmith explique son concept de Uncreative Writing, développé dans l’ouvrage L’Écriture sans écriture (2018) qui entrevoit de la littérature dans tout ce qui se crée sur Internet :

Des gens me disent : « Je culpabilise de ne plus lire et écrire autant qu’avant ». Je leur demande : « Avez-vous Facebook ? Avez-vous une messagerie électronique ? Avez-vous Twitter ? Oui, alors ce que vous faites, c’est lire et écrire. [22]

 Les réseaux Internet se multiplient, parfois de manière souterraine, contournant les nouveaux maîtres du jeu, se protégeant de l’œil du Big Brother, comme le darknet qui utilise des protocoles spécifiques permettant un écosystème anonyme. Les utilisateurs peuvent y communiquer, échanger et partager leurs fichiers, à l’abri du regard des gouvernements et des entreprises commerciales. Même si le darknet, bouc émissaire des services de renseignement, est connu pour ses applications illégales, ses principaux promoteurs en sont les rédacteurs d’ouvrages révélateurs, comme ceux des journalistes d’investigations et des lanceurs d’alerte, ou encore des reporters de guerre[23]. Le darknet, contournant la distribution traditionnelle, deviendrait ainsi un tunnel accessible aux auteurs et collectifs dissidents ou déviants jugés comme fauteurs de troubles en opposition avec la pensée unique qui s’impose dans de nombreux pays. Comment éviter alors que ces textes, parfois subversifs, provoquent ce pourquoi ils ont été écrits, qu’ils se frayent un chemin dans notre inconscient et démontent les formes d’univers auxquelles nous croyons, comme cela se fit tout au long des siècles que recouvre notre civilisation.

Dans quelques milliers d’années, notre civilisation éteinte, nos livres réduits en poussières et nos bibliothèques informatiques enfouies sous terre, détruites par un orage ou un déluge cosmique d’un niveau que nous ne pouvons pas encore imaginer, ne seront plus qu’un lointain souvenir dans le cerveau reptilien de notre descendance. Il ne restera que peu de choses si ce n’est quelques objets épars dans une montagne de déchets toxiques, un morceau de frontispice quelconque sur lequel seraient gravés quelques mots à demi effacés qui poseraient une question existentielle insoluble qu’il faudra traduire, mais pas suffisamment explicite pour que l’imaginaire d’un peuple différent du nôtre puisse concevoir ce que nous étions : pourquoi quelque chose plutôt que rien ? [24]

Texte © Jean-Christophe Pichon (dernier chapitre extrait de son ouvrage : L’Avant-Dernier livre, L’Œil du Sphinx, 2018) – Illustrations © DR.
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[1] Cf. Étienne Klein, Matière à contredire (2018, rééd. 2019).

[2] Certains auteurs suggèrent que le cheval de Troie était en réalité un bateau porteur d’une ambassade de paix, offre que les Troyens, trop peu méfiants ou trop heureux de faire la paix, auraient imprudemment acceptée. À l’appui de cette interprétation, on remarquera que la civilisation marine grecque assimile le cheval et le bateau. Ainsi, le cheval est l’animal de Poséidon et Homère décrit les navires comme les chevaux de la mer.

[3] Cf. Claude Sosthène Grasset d’Orcet, Histoire du cheval à travers les âges (2005, rééd. 2009).

[4] La fabrication du papier en Chine, au 7e-8e siècle permit une des plus anciennes traditions d’imprimerie. Le Sūtra du Diamant, un rouleau long de cinq mètres, composé de sept feuilles de papier, fut imprimé par des presses avec des caractères fixes, à l’aide de planches gravées en relief. Il daterait de l’époque de la dynastie Tang (868). Il serait le plus ancien livre imprimé. Les arabo-musulmans du Moyen-Âge connaissaient la technique de reproduction par xylographie. Le poète iranien Abū Dulaf al-Kharazji décrivit cette technique à partir d’un moule appelé tarš. Plus tard, le Canon bouddhique (Tripitaka Koreana), gravé par la cour royale entre 1237 et 1248, rassemblait plus de 80 000 planches xylographiques. Il est conservé au temple Haeinsa, sur les pentes du Mont Gaya, en Corée. Les moines bouddhistes coréens auraient été à l’origine du premier livre imprimé en 1377 avec des caractères mobiles. Il s’agit d’un traité appelé Jikji, du religieux bouddhiste de l’école coréenne du seon, le Révérend Baegun (1298-1374).

[5] L’histoire de l’Ordre du Temple fut intimement liée à la symbolique du cheval. Un noble qui était reçu dans l’ordre pouvait faire don de son destrier, un cheval de combat que les écuyers tenaient à dextre, c’est-à-dire de la main droite (donc à gauche). Après 1140, on comptait de nombreux donateurs de la grande noblesse léguant aux Templiers des armes et des chevaux.

[6] Jorge Luis Borges, Tlön, Uqbar, Orbis Tertius (1940).

[7] Cf. Jean-François Lecompte, L’Affaire Dolet (2009) & Claude Sosthène Grasset d’Orcet, Le Double langage de Rabelais (2017).

[8] Cf. Le Double langage de Rabelais, idem.

[9] Cf. Saint Augustin, Les Confessions.

[10] William S. Burroughs, The Ticket That Exploded (1962) : « The word is now a virus. The flu virus may have once been a healthy lung cell. It is now a parasitic organism that invades and damages the central nervous system. Modern man has lost the option of silence. Try halting sub-vocal speech. Try to achieve even ten seconds of inner silence. You will encounter a resisting organism that forces you to talk. That organism is the word ».

[11] Isabelle Thomas-Fogiel, La Tournure empiriste de la phénoménologie française contemporaine, Revue philosophique de France et de l’étranger, n° 4, 2013.

[12] Marx cité par Michel Dubois in Les Fondateurs de la pensée sociologique (1993).

[13] Dont l’effet rebond sera inverse en Occident avec la contre-culture américaine, la Beat Generation, le Peace and love, et en France, le situationnisme et le post-structuralisme.

[14] Paul Dirac cité par Gianfranco Bertone, Le Mystère de la matière noire : dans les coulisses de l’univers (2014).

[15] Antonio Gramsci, Cahier 3 in Cahiers de prison, t. 1 : Cahiers 1, 2, 3, 4 et 5, trad. de l’italien par Monique Aymard & Françoise Bouillot (1996).

[16] Cf. Bruno Deniel-Laurent, On achève bien les livres, Ladybirds films (2013).

[17] Edward L. Bernays prétendait que les Américains avaient joué un rôle important dans la mise en place de la révolution russe, ainsi que dans le financement de l’industrie allemande avant la Deuxième Guerre mondiale.

[18] Cf. Le Livre des transformations, qui s’appelle aussi Yi Jing, ou Yi King, ou encore Zhou Yi. Sa finalité est de décrire les états du monde et leurs évolutions. Considéré comme le plus ancien texte chinois. le Yi Jing propose une série de 64 figures qui peuvent interpréter toutes les transformations possibles.

[19] Jorge Luis Borges, Le Livre de sable (1975).

[20] Cf. Yann Minh et le Noomuseum.

[21] Cette hypothèse, jugée par certains comme extravagante, se réalisera partiellement trois ans après la rédaction de ce texte, avec la mise à disposition sur les réseaux de l’application ChatGPT.

[22] Kenneth Goldsmith, Tout Internet est un texte de Roland Barthes, Libération, 4 juillet 2018, p. 28-29. Dans le même numéro la dernière page de couverture est consacrée à Thierry Saillot, gérant de Palimpsete, la dernière librairie universitaire indépendante de Paris, mise en liquidation en juin 2018…

[23] Cf. le kit de survie numérique de Reporters sans frontières.

[24] Cf. Leibniz, Heidegger, etc.