Sans autre couleur : noir # 1
Les phénomènes diffèrent comme le temps, les catastrophes diffèrent de notre univers, des rêves de tragédie nous viennent, d’autres drames nous appellent, des couleurs fatales crépitent sous des latitudes lointaines, des moments épars dans le temps, on se demande si cela existe, la nuit ou le jour, si on a rêvé ou si c’était vrai, en se réveillant, on se remémore les cataclysmes, des paysages emportés par des bouleversements inexplicables, entre le ciel et la terre, on se souvient avoir vu d’étranges insectes qui grouillaient, dans un laboratoire improbable, qui annonçaient quelque chose, presque satanique, néanmoins humain, dans la pénombre ou sous l’éclat cosmique, dans des lieux indéterminés, dans des espaces apocalyptiques, recouverts par l’odeur âcre de la fumée, de la chaleur insupportable et de l’atmosphère dévastatrice, on se demande si c’était là-bas ou ici, plutôt là-bas, à moins de l’avoir rêvé, tout paraissait pourtant si vrai, pourtant si réel bien qu’on ne sache plus vraiment, les images sont effrayantes, percutantes comme remontées de l’abîme, entre les mains destructrices des hommes, entre les mains criminelles des femmes, sur les façades de bâtiments inquiétants, ou bien derrière des murs infranchissables, dans des villes frontalières ou le long de frontières artificielles, parfois désertées selon les endroits, sans que personne ne puisse l’imaginer, les couleurs sont souvent contaminées et maculées, dans des agglomérations infernales où l’existence est une pornographie quotidienne, sous le joug de la pollution industrielle, les images s’échinent à montrer et les mots à exprimer, quelque chose d’autre, sorti du sommeil comme une conviction, une espérance, sentir monter en soi une émotion surgie de nulle part, qui révélerait toutes les sensations, celles qui dissuadent et celles qui révoltent, qui abolirait ces moments incertains, ces visions angoissantes dans les journées chaotiques, une émotion étrange, à la fois clairvoyante, pénétrante et saisissante, une émotion chimérique, que l’on croirait encore rêver, une obscurité hallucinante, sans autre couleur ni autre matière, que celle d’une pureté égarée et à jamais retrouvée.
Vidéo © Isabelle Rozenbaum – Texte © Sylvia Fast
Le projet Sleeping Works d’Isabelle Rozenbaum a reçu la bourse « Brouillon d’un rêve 2014 » (SCAM).
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