Matrix Resurrections (2021) s’est révélé peut-être encore plus mauvais que ce que l’on redoutait, ce qui n’est pas peu dire… Le début, pourtant, n’est pas si raté : tout paraît sans importance et particulièrement cheap, mais la photographie du film, plus vivace que les précédents épisodes, et en accord avec l’idée d’une nouvelle matrice davantage colorée entraperçue dans Matrix Revolutions, confère un semblant de personnalité à ce nouveau volet. Surtout l’aspect meta, bien qu’assez bête, limité à un discours convenu sur Hollywood alors que Lana Wachowski semble se croire intelligente, a au moins le mérite d’être conduit de manière radicale, notamment jusqu’à la projection du premier Matrix dans un théâtre. Matrix Resurrections connaît alors sa maigre culmination : il ne sera jamais meilleur et paraît, notamment de par sa musique grinçante, convoquer Lynch et Inland Empire.
L’idée de pénétrer l’art dans sa noirceur, dans son centre, dans sa nuit… Une seconde, on y croit. Et puis, au lieu de trouer son postulat meta pour le renverser sur lui-même, Lana Wachowski devient ce postulat. Elle devient ce qu’elle critiquait. Elle devient un reboot. Plus rien de noir, alors. Plus de descente. Qu’un ramassis d’images numériques vulgaires, surexposées, où le soleil paraît s’amuser de révéler sous un ton jaunâtre les décors et les costumes horribles du film. On est parfois un peu soufflé par le mauvais goût du tout, et par le fait que Lana Wachowski en semble si fière, au point qu’on ressort du film hébété, comme si la dégueulasserie des images nous collait encore aux yeux.
Mais si ce n’était que ça. Parce que, même dans le fond, surtout dans le fond : de quoi le film parle ? De rien. Que dit le film de plus que le premier ? Rien. Il y a pourtant quelques bonnes idées. Celle, par exemple, de faire de Neo et Trinity l’Homme et la Femme, les deux opposés qui créent le désir et font tourner la Matrice. Celle également de Neil Patrick Harris qui retourne le bullet time de Neo contre lui pour créer ces séquences au ralenti. Celle de la séquence de bots-bombs, à la Happening. Plus généralement, Keanu Reeves et Carrie-Anne Moss sont beaux et vont bien ensemble, la simple présence de leur corps, côte à côte, crée une poésie et sauve le film du naufrage esthétique complet.
Leurs retrouvailles, il faut le dire, nous permet de demeurer éveillé durant l’acte 3. Mais entre cet acte 3 médiocre, et cet acte 1 bête, du niveau habituel de Lana Wachowski, il y a cet acte 2 qui dépasse tout dans la laideur et l’ennui. Mention spéciale à la séquence où la fille indienne devenue adulte nous raconte que son père a construit les modules et que, sa famille décédée durant la purge, elle vient se venger : dégueulis de raccourcis narratifs, balancés dans une séquence sous le soleil. Matrix n’est, à ce stade, plus même un film : c’est une mauvaise série qui a réussi l’exploit de tourner en rond au bout d’une heure. Et qui pour passer le temps, cumule les combats d’attardés avec des dialogues à la Westworld. Ce n’est pas Matrix Resurrections : c’est Matrix Hara-Kiri.
Note : 0,25/5.
Texte © Léo Strintz – Illustrations © DR
Face au Spectacle un workshop d’analyse filmique et sérielle in progress de Léo Strintz.
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