Les Sélavy sous influence

La rencontre, quelque peu inattendue, avec un homme dans une boutique de lingerie vêtu d’un chapeau et d’un manteau de fourrure, a permis de remettre en question le projet que j’avais mis de côté concernant la série Self Burial (1969), de Keith Arnatt. Intriguée par la personnalité de cet homme maquillé et par son travestissement en écho aux métamorphoses de Marcel Duchamp, j’ai eu l’opportunité de réactualiser mon projet, mais sous une perspective alternative : l’homme au chapeau se mettrait en scène en une double identité (féminin, masculin) en un double mouvement (mort, renaissance). Nous avons donc mis en oeuvre les prises de vue durant un hiver et le printemps qui suivit.

Les questionnements de Keith Arnatt et de Marcel Duchamp – sur l’identité, l’artifice, les critiques des « objets d’art » et le rôle de l’artiste – demeurent profondément actuels pour interroger le monde contemporain. Ils nous invitent, plus de cinquante plus tard, à réfléchir au futur du 21e siècle – un futur marqué par le basculement inexorable vers le numérique, l’automatisation, le virtuel, mais aussi à l’heure actuelle, par l’Intelligence artificielle. Ainsi aujourd’hui, l’IA ne pourrait-elle pas revendiquer elle-même : « Ce n’est pas pour changer vos identités, c’est pour toutes les avoir » ?

La série Les Sélavy sous influence fait partie du projet Image manquante, une construction photographique composée de 23 séries, chacune constituée de 23 images. La 23e image de chaque série représente « l’image manquante », à l’instar de la « lettre manquante » de l’alphabet hébraïque. Cette 23e n’apparaîtra qu’à l’achèvement du projet ou lors des expositions.

Texte & Photographies © Isabelle Rozenbaum /ADAGP
Si vous avez apprécié cette publication, merci de nous soutenir.