On sort de La Fabrication du Réel (Tinbad 2025) avec un sentiment de jubilation, qui après-coup laisse songeur : que s’est-il passé ? Caroline Hoctan dévoile progressivement une certaine réalité, tel Dupin, ce personnage de Poe qui résout une énigme apparemment insoluble : où est la lettre volée, si compromettante que sa disparition pousse le préfet de police de Paris à demander une aide expresse ? J’évoque Poe d’entrée, dans le sillage de l’auteure elle-même qui y fait allusion, comme on le verra bientôt. La Fabrication du Réel est un roman qui joue avec les codes du genre romanesque dans une vertigineuse mise en abyme, ou une diffraction, de la question du sens. Sens des apparences, de la « réalité », de l’histoire familiale, du projet d’écrire, des récits, sens diffractés dans des miroirs qui ne sont plus promenés le long d’un chemin. On pourra lire La Fabrication du Réel comme un roman d’espionnage. Le « personnage-narrateur » – j’en dirai plus sur l’utilisation de ces guillemets – part sur les traces de son père, un Anglais ancien officier de « La Compagnie », dont les activités se sont étendues en Europe dans le cadre de la doctrine du Stay Behind :
Ce réseau de résistance armée parallèle qui, conçu à la manière de celui des opérations spéciales du service de renseignement d’Albion pendant la Guerre, devait pouvoir faire face à une possible invasion ruskof dans certains pays d’Otanie.
Je retrouve les codes du genre : effractions de l’appartement, coups de fils silencieux (j’ai pensé à Modiano et sa Rue des Boutiques Obscures, où résonnent dans le vide des sonneries téléphoniques), visites musclées de Fugace Saboteur – ancien officier du renseignement français – documents classifiés, siège de la CIA à Langley, culte du secret et des non-dits, et quête effrénée, pour tous les protagonistes, d’un mystérieux document, une « chose » au contenu explosif, détenu, d’abord à son insu, par le « narrateur ». Mais le texte nous attire plus loin. Il apparaît vite – les deux citations en exergue de Hermann Hesse et de Maître Eckhart mettent sur la piste – que la « chose » tant recherchée n’est pas seulement une information confidential susceptible, encore aujourd’hui, de mettre en danger des vies, mais qu’elle a partie liée, dès le premier chapitre, avec une panne électrique générale qui plonge « Lutèce » dans les ténèbres (notez bien que les mots français apparaissent aussi en anglais : black-out, darkness – cela a son importance), ténèbres doublées d’une pluie diluvienne. Ambiance de fin du monde propre à générer « angoisse » et « hébétude », deux modalités d’être qui empêchent souvent le « personnage-narrateur ». La panne revêt une valeur métaphorique, évoquant le topos de la tempête :
Une demi-heure s’écoula durant laquelle la pluie redoubla d’intensité et le vieux mastroquet – tel un vaisseau fantôme au cœur de cet univers qui sombrait – accueillit de nouveaux naufragés.
Naufrage et obscurcissement qui frappent aussi la littérature dans la page d’ouverture :
Au moment de cette panne, j’étais en train de travailler à une sorte de cantique romanesque, un chant de dévotion à la littérature que j’avais intitulé L’Exviela.
Et les choses se complexifient, lorsqu’on sait que Dans l’existence de cette vie-là est le deuxième roman de Caroline Hoctan qui, publié en 2016, est renommé ici L’Exviela : titre qui rappelle le titre original, mais l’apocope le dote d’une nouvelle autonomie qui, fictionnelle, brouille la rassurante frontière entre fiction et réalité. Il y a donc le roman paru en 2016 et son avatar fictionnalisé en 2025. Ce double fictionnel, dans sa référence autobiographique, inaugure ce qui dans La Fabrication du Réel était déjà à l’œuvre avec Dans l’existence de cette vie-là, à savoir un art du glissement d’un espace à un autre. Glissement des mots « panne » et « ténèbres » à leur équivalent anglais, black-out et darkness, tissant un fil entre la réalité française (le narrateur et l’auteure sont français) et la réalité anglo-saxonne (le père est britannique, il a travaillé pour le Secret Intelligent Service – MI6 – puis à la CIA). Glissement de « Paris » à « Lutèce », de « France » à « Hexagonie », des États-Unis à « Usonia », de la Grande-Bretagne à « Albion », qui redouble les voyages du narrateur en Angleterre et en Amérique (puisqu’il faut fuir, un temps, la France, l’Ex-agonie culturelle). Le glissement lexical est fictionnalisant ; il crée un jeu de miroir entre les deux « réalités » du réel et de la fiction – ou plutôt : de la réalité et de ses représentations par le langage. C’est bien l’un des enjeux majeurs du roman : Qu’est-ce qu’écrire une fiction ? Quel rapport la fiction entretient-elle avec la réalité ? Pour quels effets sur le lecteur ? Le « personnage-narrateur » apporte un élément de réponse :
La méthode la plus efficace que j’avais trouvée pour rendre compte de cette réalité avait été de lui donner une dimension fictive absolue en remplaçant, par exemple, les noms de personnalités et de lieux par leurs surnoms, afin de transcender leur identification et de les transformer, de la sorte, en d’authentiques personnages de fiction.
Si l’auteure évoque ici Dans l’existence de cette vie-là, c’est le même procédé qui est à l’œuvre avec le « personnage-narrateur » dans La Fabrication du Réel. Ce glissement lexical affecte les noms des écrivains – je ne relève qu’un seul exemple, celui de « Melmoth », l’un des nombreux pseudonymes de Jack-Alain Léger, suicidé en 2013, dont la mort accable le « personnage-narrateur » – La Fabrication du Réel est aussi un hommage à sa mémoire. Au chapitre 9, il se rend dans une librairie peu après la disparition de l’écrivain pour trouver quelques-uns de ses livres et se heurte à l’indifférence apathique et ennuyée d’un libraire. Le motif de la chute – réelle, physique, de Jack-Alain Léger se jetant du 8e étage, va symboliser dans La Fabrication du Réel la chute du Verbe littéraire, transformé en produit marchandisé, fabriqué ; c’est aussi, en écho à l’histoire américaine, l’effondrement des tours jumelles le 11-Septembre :
Ainsi, je voyais Melmoth se jeter dans le vide, et y choir sans fin, à la manière de « l’homme qui tombe », ce fameux inconnu qui, la tête en bas, une jambe repliée en l’air et les bras ballants le long du corps, s’était jeté de ces tours jumelles en flammes.
On perçoit au passage le titre d’un roman de Don DeLillo, L’Homme qui tombe en chute libre de la tour nord du World Trade Center pendant les attaques terroristes d’après la photographie prise par Richard Drew. Et, sur un registre moins grave, le narrateur se compare à Alice chutant dans un trou. Le tropisme anglo-saxon est omniprésent. La Fabrication du Réel est la manifestation vigoureuse (le manifeste ?) d’une littérature qui n’a pas abdiqué devant le feel good, le mainstream, l’eau tiède dispensable des pisse-copies asservis par des éditeurs mercantiles, annexant stands et gondoles des « librairies », ensevelissant dans un tombereau éphémère voué au pilon l’originalité de gestes créateurs, à l’époque du capitalisme tardif. L’auteure vilipende ainsi :
l’écriture industrielle et réductionniste de notre époque que représentaient ce storytelling marqueté et toute cette prose testimoniale qui avaient pris le pouvoir, sur les sens et les signes, et donc, sur le cœur et l’esprit.
Elle reprend le constat corrosif que Jack-Alain Léger avait déjà fait du microcosme littéraire à la fin du 20e siècle, et Balzac avant lui :
J’ai su alors alors ce que peut nourrir de haine à l’endroit d’un écrivain uniquement écrivain la pègre des gens de lettre dont Balzac a si exactement dépeint les mœurs dans Illusions perdues, mœurs qui n’ont pas changé, si ce n’est en pire : vénalité, futilité, servilité. Ma vie (Titre provisoire).
Je reviens aux guillemets dans lesquels j’ai enserré le mot « personnage-narrateur ». Oui : homme ou femme, homme et femme, Caroline Hoctan règle la question du genre (romanesque autant que sexué) en installant l’instance narrative d’un « Je » neutre. Le personnage devient une voix, un « effet-personnage », pour reprendre la notion de Philippe Hamon, à ceci près que je ne considère pas ce « Je » comme un « être de papier », un « vivant sans entrailles » réductible aux seuls signes textuels. Car une approche purement sémiologique, immanentiste, laisserait de côté ce glissement que j’ai évoqué : à savoir, ici, le glissement du fictionnel vers l’autobiographique, qui indexe le « Je » à la fois à la réalité de l’auteure et à la dimension fictionnelle de ce pronom neutre, qui relie et ne relie pas la personne civile à sa réalité textuelle, dans un état d’indécidabilité. L’illusion référentielle est aussi réalité référentielle, et ne s’applique pas seulement au « Je », mais aux autres personnages qui surgissent dans le récit. Ainsi du mystérieux Fugace, ancien agent du contre-espionnage français (SDECE) passé du côté russe, qui s’est introduit dans l’appartement du personnage-narrateur :
Je restais calme, sans doute à cause de l’étrange sidération que suscitait, malgré moi, la présence de cet inconnu-reconnu que je n’aurais jamais imaginé rencontrer un jour.
J’ai le sentiment que cette phrase s’applique aussi bien aux personnages qu’à moi, lecteur, « inconnu-reconnu » par cet effet de glissement, qui me fait vivre, dans la lecture, ce que dit le fictionnel, et que C. Hoctan cristallise dans un néologisme, « réalimaginaire ». Un effet de réel intermittent et troublant, un miroitement duplice, d’autant plus intense que son auteure adopte le style indirect libre pour fondre et couler en un seul flux l’expérience de ces consciences, indécidablement partagées entre réalité (ma réalité de lecteur, celle de l’auteure) et fiction (le récit de La Fabrication du Réel). Je cite la suite de la rencontre par effraction de Fugace et du narrateur :
Tandis que je lui glissai un cendrier et ouvrais la fenêtre, il s’enquit de savoir à quand remontait le jour où j’avais retrouvé la porte de mon appartement ouverte et ce cadre décroché du mur. Sur le moment, je ne m’en souvenais plus.
Pas de dialogue, traditionnellement annoncé et clos par des guillemets (les guillemets, quand ils sont utilisés, signalent la présence des mots des autres : « Il passait ici après son travail pour retarder le moment où il devait rentrer chez lui, n’aimant pas beaucoup la ‘vie de famille' », des autres, puisque contraires aux idées et goûts du narrateur) ; et pas de tiret pour annoncer l’interlocuteur. Non : le style indirect libre en fait l’économie, au profit d’un flux unique et unificateur, qui rappelle ce stream of consciousness, le flux de conscience théorisé par William James (le frère d’Henry) et repris – on le sait – par Virginia Woolf, James Joyce, Claude Simon… « Je » fait office d’embrayeur qui nous branche sur la subjectivité de cette voix, par une identification, classique pour le coup, du lecteur à ce pronom de la première personne.
La particularité du récit de Caroline Hoctan est d’être un flux dont l’amont est la nescience, l’aval la sapience, révélant ainsi le double (ou le triple ?) fond du texte. Nescience initiale, lorsque le narrateur décline son incapacité à comprendre la situation :
L’empêchement qui était le mien depuis tant d’années déjà…
Je ne distinguais plus de la réalité que sa disparition, son effacement du monde qui m’entourait, de l’univers qui le contenait, du réel qui le produisait tel que je n’appartenais plus moi-même à ce monde, à cet univers, à ce réel…
Sapience comme un horizon peu à peu discernable :
Je saisissais mieux comment, et pourquoi, la conception que j’avais de la réalité ne découlait que d’une vision conformiste de la vie autant que d’expériences existentielles limitées, et somme toute, stéréotypées, car profondément conditionnées.
La Fabrication du Réel est l’aventure d’une conscience qui fait glisser le voile des apparences, s’affranchit du conformisme, pour se dessiller les yeux.
Je disais qu’on pouvait lire La Fabrication du Réel comme un roman d’espionnage, ce qu’il est en partie, et pour autant qu’on donne au verbe « espionner » une acception qui dépasse le seul cadre du genre : jeux d’espions, mais aussi « Je » qui (s)’espionne pour chercher à (se) comprendre, dans l’interrogation anxieuse sur la figure paternelle fuyante, sur les tenants et les aboutissants d’une histoire (un récit) qui le dépasse (comme nous dépasse notre propre histoire familiale), sur la place qu’il occupe et le rôle qu’il joue dans l’Histoire (celle de la Guerre froide et de ses incidences sur l’époque actuelle). Mais quand l’auteure entrouvre un double fond, on réalise que l’on glisse à nouveau vers autre chose. C’est ici le lieu du secret, sceau qui cachette l’ensemble de La Fabrication du Réel. Le glissement lexical est une première forme de cryptage, la plus évidente si l’on peut dire : la lecture du roman, cet autre décodage, révèlera bien autre chose, que la sculpture énigmatique au sein de la CIA – Kryptos – laisse entrapercevoir. Ainsi, il faut lire le roman pour en savoir.
Caroline Hoctan distille des indices, qui ont à voir avec la stéganographie, cette technique qui dissimule des informations sous une apparence anodine. Ainsi des titres des chapitres du roman. Au nombre de vingt-trois (nombre récurrent dans le roman, regardez bien), pourquoi ? Quid du chiffre 5 ? De la « s b ḥ t » ? Au lecteur de le découvrir !
La lettre volée, on s’en souvient, l’a été deux fois : une fois par le ministre D… dans le cabinet royal, par substitution à la lettre originale d’une « lettre à peu près semblable » ; puis une seconde fois par Dupin, qui remplace l’original en possession du voleur par « une espèce de fac-similé […] en contrefaisant le chiffre de D… à l’aide d’un sceau de mie de pain » (La Lettre volée). Pourquoi le préfet de police, en inspectant minutieusement le domicile du voleur, n’a-t-il pu trouver cette lettre volée ? Parce qu’il « n’a jamais cru probable ou possible que le ministre eût déposé sa lettre juste sous le nez du monde entier, comme pour mieux empêcher un individu quelconque de l’apercevoir ». La référence à Poe est claire :
Ces données ne font que revenir entre les mains de leur « propriétaire », leur petit détour en votre possession n’étant là que pour faire surgir cette opportunité liée à votre destinée.
Ces données, dont je ne dirai rien, sont l’analogue de la lettre volée de Poe, le personnage-narrateur jouant le rôle, au choix, du voleur, ou de Dupin – j’ai bien envie de me décider pour Dupin, qui résout les énigmes les plus difficiles, semblable en cela à la figure de l’écrivain en voyant, voyeur et visionnaire, qui dispose sous nos yeux (il n’est pas anodin que le titre du dernier et 23e chapitre soit précisément « Les yeux… ») tous les éléments nécessaires à la compréhension, qui pourtant nous échappe toujours un peu – pour réconcilier vision et regard, jusqu’alors dissociés dans le roman et dans nos vies. Le roman est école du regard, tout comme il est conquête d’une identité de l’auteure, aux prises avec l’image troublée du père (en retrait, stay behind, échappant au regard). Comme si ce troisième roman qui fait suite à Dans l’existence de cette vie-là terminait une quête âpre et douloureuse, celle du sens que le père est censé octroyer à l’enfant, et dont le motif de la lettre (celle de Poe, celle du roman) est la manifestation autant physique que symbolique.
À ce titre, forte est la conviction dont le personnage-narrateur fait preuve quand il désire « vivre dans la littérature ». La Fabrication du Réel pourrait aussi porter le titre de La Fabrication du Roman, tant le texte soumet à la question « réel » et « roman », ce dernier entendu comme « fiction » ; tant le texte, se déployant dans l’acte de sa lecture, solidement ancré par le défini « La » Fabrication, révèle ses entrailles. Le récit résonne d’échos multiples : Isidore Ducasse, Lewis Carroll, Mark Twain, Jorge Luis Borges, l’Ancien Testament, le Bardo Thödol, Nietzsche, Stephen King, Orwell, Jack Kerouac, mais aussi Lovecraft, Horcynus Orca de Stefano d’Arrigo, Melville, Hawthorne et sa Lettre écarlate, etc. Énumération à compléter… On notera la dilection de l’auteure pour les récits mythiques, influence sensible dans la dimension hypnotique (lisez bien les titres de chapitres) et onirique (le « Je » est parfois celui d’Alice au Pays des Merveilles) suscitée par le récit. Et je n’oublierai pas les échos intimes et constants de Jack-Alain Léger, qui écrit dans un chapitre de Ma vie (Titre provisoire), intitulé « La vie fait écran »: « La vie est de plus en plus fictive et le réel, mis en scène ».
Les lignes de partage sont brouillées ; on cherche les indices, puisqu’on est dans la tête du narrateur ; on partage son hébétude, cherchant avec lui la « pièce manquante », voulant, une fois pour toutes, savoir enfin de quoi il retourne. Ce qui est au cœur de la quête (philosophique, métaphysique et mythique), je crois, ce qui est son moteur, c’est la certitude qui s’impose au « Je » d’un destin littéraire, manifeste dans l’acte d’écrire le roman même que je suis en train de lire. La modalité littéraire en est le « réalimaginaire » ; la modalité existentielle en serait un « êtrécrire », un être pour l’écriture autant que l’écriture pour être. C’est sans doute à cela que fait référence la notice biographique de l’auteure en 4e de couverture, en évoquant ce « Je » comme « voix ontologique propre à la littérature : celle d’une véritable ontofiction » telle que définie par son préfacier Serge Lehman. Reviennent alors, réincarnées, les lignes de Rainer Maria Rilke répondant au jeune poète :
Il n’est qu’un chemin. Entrez en vous-même, cherchez le besoin qui vous fait écrire : examinez s’il pousse ses racines au plus profond de votre cœur. Confessez-vous à vous-même : mourriez-vous s’il vous était défendu d’écrire ?
Nul doute que Caroline Hoctan répond à cette question par l’affirmative. En outre, c’est bien dans le présent de la lecture que s’installe l’acte créateur partagé par l’auteur et son lecteur, ce qu’annoncent les premières lignes du roman :
Les choses ont eu lieu avant que je n’en prenne tout à fait conscience, ce qui fait qu’elles ont eu lieu avant, mais également après les événements que je vais relater, de sorte qu’à l’heure où j’écris ces lignes, elles ont sans doute encore lieu.
À mettre en regard avec les dernières lignes du roman, ce dont je vous laisse le soin.
J’ai aimé la conception hermétique de l’écriture que le narrateur invoque au cours du roman : tout part du désir de « découvrir le secret de l’écriture », dès son 2e roman ; et le geste créateur s’apparente au processus alchimique. Le narrateur rencontre un éditeur qui lui rappelle « qu’il fallait néanmoins réussir à produire pour parvenir à l’opus magnum alchimique, au Grand Œuvre devant l’Éternel ».
L’effiction, ou l’effet agissant du roman sur le lecteur, me fait voir dans le « Je » de Caroline Hoctan un agent de renseignement, chargé d’élaborer des contre-mesures : décrypter tout endiguement qui fasse barrage à la compréhension de son identité, qui fasse obstacle à la saisie de la vérité, pour permettre au flux de l’écriture de couler. Le « Je » serait un agent double dans la « peau » d’une « taupe », matière des carnets secrets du père officier secret, et clin d’œil de l’auteure, pour démêler les fils d’une trame fallacieusement nommée « réalité », pour en montrer la fabrication. Opération de cryptage-décryptage, de dévoilement d’une vérité, Bildungsroman d’une conscience, son élévation spirituelle et progressive, au prix d’un chemin initiatique et de glissements « réalimaginaires » qui illustrent l’intrication profonde de la réalité et de la fiction, toutes deux, finalement, fabriquées. Cette voix de l’ontofiction au service de la cause littéraire, universelle, je la trouve aussi originale et envoûtante que subversive.
Texte © Bruno Lecat – Vidéo © Isabelle Rozenbaum – Illustrations © DR.
Ce texte a fait l’objet d’une première publication le 11 mars 2025 sur le blog de son auteur, L’Œil a faim.
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Le samedi 5 avril à 17h à la Librairie Les Libres Champs à Paris 6e : rencontre avec l’auteure animée par Alessandro Mercuri.
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Jean-Paul Gavard-Perret, Compte rendu suivi d’un Entretien avec l’auteure, Le Littéraire, 11 février & 6 mars 2025.
Albert Gauvin, Présentation, Pileface, 10 mars 2025.
Fabrice Andrivon, Compte rendu, Shangols, 14 mars 2025.
Ali Benziane, Compte rendu, À Rebours, 23 mars 2025.