
Les nombres et leur symbolique ont fasciné, depuis la nuit des temps, de nombreuses philosophies et sciences comme pouvoirs d’interprétation, d’association, d’organisation et de représentation, mais aussi, comme « lois de création ».
En étudiant la calligraphie des 22 lettres hébraïques, j’ai découvert l’existence d’une 23e cachée : la « lettre manquante ». Une nuit, un rêve énigmatique m’a conduite une nouvelle fois au nombre 23. Il s’est alors imposé à moi et est devenu un véritable stimulant pour mon imaginaire car toutes les symboliques étant présentes dans les 22 lettres de l’alphabet, le nombre 23 correspondrait une à autre « dimension », une autre « étape », voire une autre « vision » de la réalité.
À la manière de cette « lettre manquante », j’ai donc conçu une structure hybride et combinatoire sous la forme d’un carré magique (23×23) composé de 23 séries photographiques, autonomes et complémentaires. Chacune est composée de 23 images, dont la dernière correspond à « l’image manquante », indéterminée, révélatrice des 22 précédentes. Chaque série développe ainsi un thème singulier autour de l’image, de la mémoire, des empreintes laissées sur la psyché et le corps, mais aussi autour d’une question persistante : que peut encore « montrer » une image après celles du « Désastre » ?
Inspirée par l’Atlas Mnémosyne de l’historien d’art Aby Warburg, cette structure permet de créer un processus de permutations infinies, et offre ainsi la possibilité de tisser un réseau mouvant de correspondances visuelles et symboliques. Les propriétés émergentes de ces combinaisons brouillent ainsi les frontières linéaires, faisant apparaître des résonances, des échos, des associations ou des ruptures en perpétuelle recomposition. Ce n’est plus seulement l’image qui est interrogée, mais le langage même de l’interprétation. En invitant le regardeur à participer à ce jeu de permutations de l’image, je ne cherche pas à lui imposer un récit, mais à partager une expérience labyrinthique où l’acte de voir devient une traversée intérieure.
Enfin, j’interroge la place et la puissance de l’image artistique dans un monde saturé de flux visuels, qu’ils soient intimes, politiques ou sociétaux à l’ère du tout-image de la Post-photographie où tout doit être visible, obscène et viral.
Pour visionner chacune des 23 séries, c’est ici : Chambres d’écho, Insomnies, Banquets d’enfer, Automorphoses, Dormeuses, Insummabilis, Le Ҁa, La Caverne de Molussie, La Danse transmacabre, Way Out, Solve, Hineni, Naturoïde, Les Sélavy sous influence, Hypercadre, La Lettre avant l’être, Alter Ego, Flower Power, Galaxie 3.0, La Chose du mot, Hypotypose, Infracœur, Apparatus.

Texte & Illustration © Isabelle Rozenbaum/ADAGP
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