SNI : le roman dans le mix, l’écriture dans le sample

C’est quoi « SNI » au juste ?

C’est justement le sujet du livre.

Qui il est, d’où il vient ce que c’est peut-être un comment ou un quand, un acronyme de quoi de plusieurs ça à la fois sans doute avec doutes. Une-un expatrié-e apatride qui reste une énigme, un trou, noir ou de mémoire, un diffus confus, sans image, sans espace, sans corps, qui cherche un corps. C’est une sensation de On qui n’est pas nous. Il est innommable protégé par la non-verbalisation et le tabou. Mais pas intouchable. Innommable conceptuellement, mais palpable par ses symptômes.

SNI voyage dans le temps de cerveau en cerveau créant des conflits émotionnels, cognitifs, corporels et temporels à travers des générations. Ombre d’une matérialité de vécu, il est la trace d’un passé qui existe au présent. S, N, I, entités traversées, corps d’une mémoire éclatée, dissociée.

L’entité SNI n’est pas élucidé dans le roman, sa vérité absolue ne m’intéresse pas, mais le cheminement de sa réalité oui. Avant d’être SNI, Il a été L’Ombre, (H)ombreLLE. Avant d’être (H)ombreLLE, il a été RSD, Roman Soi-Disant. Avant d’être RSD, il a été Je. Avant Je il a été SNI en elle, Le SNI en L. Avant 2020, je suppose que SNI a été des milliers d’autres.

La mutation de sa version écrite en pièce sonore (de 3 heures tout de même !) a donné le livre SNI (Supernova, 2021). Le verbal a réintialisé son écriture. Alors peut-être est-ce un récit poétique, un roman poétique expérimental, un millefeuilles de paronomases et d’antanaclases.

C’est un ouvrage sans fin de ruminant de type vache, construit à partir d’ersatz de matières écrites sur des années, dont les plus anciennes datent de 1982.

À l’instar d’une IA, leurs liens se sont créés au fur et à mesure de façon non linéaire, dans une forme d’apprentissage empirique du récit. Avec parfois, le désir d’écrire sans décrire en mots et phrases, le récit d’autre chose que ce qui s’écrit. Celui de parler avec les fautes, aussi. Les fautes, les erreurs complexifient le sens et son son, leur déclenchement n’est pas volontaire. J’adore retourner les erreurs, l’erreur créatrice. Friande des sons et des sens des mots dans leurs possibles, je meus dans un état de musicalité qui rejoint la poésie sonore.

En 1999, poussée par le sentiment que ça me concernait, j’avais acheté BlocNotes 17 : Expanded Mix. « Le mix est à la fois une progéniture de la guerre et un remède à l’accident par l’activation même de ses débris » (Franck Perrin). Dans les années 2000, on vantait l’art du mix, il ne s’agissait plus de collages, transversalités, pluridisciplinarités, mais de mix.

Dans ma production visuelle, j’use des mêmes processus de séquençage, musicalité, mise en activité de samples de productions antérieures et nouvelles. Le biologique est récurrent, notamment végétal : la série Arum Titan, dessins manuels/numériques, ou un jardin en seul espace fixe de SNI. Mes activités artistiques sont des tourniquets omnidirectionnels de matières mutantes à mixer.

Pendant SNI, je lisais de la hard-SF, La Musique du sang de Greg Bear, La Cité des permutants de Greg Egan, Substance mort de Dick, L’Homme multiplié de van Vogt, des essais et des études comme Le Livre de la mémoire de Mary J. Carruthers, ou Le Cantique des quantiques de S. Ortoli et J.-P. Pharabod, des romans tels que L’Enfance politique de Noémi Lefebvre.

Avec SNI, j’ai voulu écrire un livre qui a la puissance de quelque chose, peut-être comme quelqu’un qui peut. Un peut-être qui peut être. Peut être.

La suite de SNI, Les Ons, est en cours vers d’autres productions, les lecteurices de SNI en reconnaîtront l’origine.

Bisou bébée.

Texte & Illustrations © Julie Coutureau & DR
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