GUILLAUME BASQUIN s’entretient avec nous à l’occasion de la parution de TWEET n° 1 — (CLASSÉ) X (Tinbad, 2025) :
1 – Guillaume, comment t’est venue l’idée de ce livre ? Qu’est-ce qui en a suscité l’envie ou la nécessité ? Résulte-t-il d’une vision dystopique de la société comme d’autres avant toi ont pu l’exprimer à leur façon dans de purs « romans » (Orwell ou Zamiatine par exemple) ? Tu affirmes néanmoins qu’il s’agit d’une « tragi-comédie » sous la forme d’une « farce littéraire »… Comment doit-on appréhender ce nouvel opus, et quel est son enjeu par rapport à tes deux précédents ?
Comme d’habitude pour moi, j’avais des carnets, accumulés au fil de mes lectures et visions d’œuvres d’art depuis la fin de la rédaction de mon précédent livre, L’Histoire splendide, sans idée préconçue d’aucun livre à venir. Comme j’avais été banni de Tweeter trois fois, sous trois noms différents, à l’époque de la censure institutionnelle sur ce réseau social, pour « anticovidisme », dès que j’ai su qu’Elon Musk allait racheter ce réseau pour y rétablir la liberté d’opinion, cela m’a immédiatement réjoui. J’ai rouvert un compte sous le nom des Cahiers de Tinbad ; et quand j’ai vu que, en plus, il allait en changer le nom pour ce « X » majuscule, littérairement, cela a tout de suite déclenché en moi ce désir d’utiliser cette 24e lettre de l’alphabet pour en faire un objet littéraire : j’y utiliserais si possible tous les mots en X du dictionnaire : lettre non cachée, mais carrément affichée en couverture, en utilisant directement le logo de la firme ! Je tenais mon titre, qui préside presque toujours chez moi à la composition (terme que je préfère à celui « d’écriture ») d’un livre. Il ne me restait plus qu’à trouver une forme, sans laquelle je ne vois pas l’intérêt de publier un livre de plus : une roue carrée (10 tweets de 10 pages, soit un carré parfait) joycienne. Comme je ne suis pas du tout un écrivain d’imagination, mais un compositeur-monteur, je ne crois pas que mon livre soit une dystopie, mais plutôt une révélation de tous les mensonges qui fondent notre hyper modernité technique : une Apocalypse, dans le sens judéo-chrétien. Pour contrebalancer ce constat amer, j’ai eu l’idée d’utiliser quelques bouffonneries littéraires que j’ai trouvées en relisant Alfred Jarry (Ubu Roi) et James Joyce (Finnegans Wake) : l’humour toujours dégonflera la terreur. Par rapport à mes deux précédents opus, je ne voulais surtout pas répéter une forme déjà usitée ; aussi me suis-je ici interdit le flux de conscience intégralement non ponctué ((L)ivre de papier) ainsi que l’écriture « poétique » en fragments séparés par des slashs ou des tirets longs – ceux qui servent aux dialogue (L’Histoire splendide). Au fur et à mesure de mes rêveries, je décidai de m’interdire seulement la virgule et le point, fût-il double, et de m’autoriser toutes les autres marques de ponctuation, tout en les réduisant au strict minimum, pour forcer le lecteur à ralentir sa lecture pour me suivre dans mes circonvolutions labyrinthiques. Tant qu’à faire, j’inventai de toutes pièces que j’allais m’en tenir à cent marques de ponctuation. Au lecteur de les compter (rires)…
2 – Ton titre, Tweet n° 1 — (classé) X, ainsi que les deux exergues qui l’ouvrent, sont un hommage appuyé à Raymond Roussel et à Jean-Jacques Schuhl, et notamment pour ce dernier, à son Télex n° 1. Peux-tu-nous expliquer l’idée qui sous-tend ainsi ton titre, et donc ton projet par rapport à ces deux auteurs, mais également par rapport à une certaine littérature que l’on peut qualifier de joycienne, mais qui semble ne plus parler à tous ceux qui, pourtant, se réclament de tels auteurs ?
J’ai toujours été fasciné par les machines textuelles de Raymond Roussel (dont il a donné le « secret de fabrication » dans Comment j’ai écrit certains de mes livres), et j’ai tout de suite admiré les deux premiers livres de Jean-Jacques Schuhl, Rose poussière et Télex n° 1, quand je les ai découverts. Je ne vois pas trop d’autre héritier de l’œuvre de Raymond Roussel, chez nos contemporains, que Schuhl. Aussi, après avoir observé toujours plus de Volonté d’immobilisme chez les progressistes de notre temps (ils voudraient arrêter un virus, puis le climat, puis les événements géopolitiques), qui semble avoir remplacé la Volonté de technique d’autrefois, j’ai eu l’idée d’opposer ce présent très réactionnaire – en fait – au passé plein d’utopies des années 70, celui justement de Télex n° 1 de Schuhl, où tout bougeait, tournait, promettait un avenir plus ou moins radieux : que cent fleurs s’épanouissent ! Télex n° 1 ne parle que de mouvement, quand notre monde actuel voudrait tout arrêter, voire faire machine arrière, dans une grande peur généralisée du futur, quand ce n’est pas carrément du présent (voir l’hystérie face au coronavirus, puis celle qui revient, de plus en plus accentuée, face à chaque épisode caniculaire). Dans chacun de mes livres, il faut « qu’ça tourne » ; aussi l’utilisation de fragments rousséliens m’est naturelle : quel écrivain a plus utilisé les formes tournantes et circulaires que lui ? Joyce en son opus final, Finnegans Wake, peut-être… d’où sa coprésence ici et là. Joyce m’aide à me réveiller de ce cauchemar qu’est l’Histoire. Ce qui m’intéresse, ce sont les mots en soi, leur musique, le rythme de leur composition, et très peu la narration ; pourtant, je ne me reconnais pas dans les écritures un peu gratuites de l’Oulipo ou des écrivains de TXT, voire de P.O.L ; il me faut la rage joycienne en plus ; et l’incarnation d’un « je » souffrant.
3 – Ce livre est constitué en 10 chapitres que tu intitules « Tweet n°… ». Y a-t-il une volonté précise dans ce découpage et dans son déroulé ? Pour toi, la forme a-t-elle à voir avec le contenu ? Comment as-tu travaillé chacun des textes de ce point de vue ? Pourquoi avoir adopté les signes typographiques anglo-saxons (pas d’espace après certaines ponctuations, etc.) alors que ton livre est une œuvre élaborée et écrite en français qui s’inscrit dans la littérature française contemporaine ? Doit-on considérer cet opus, ainsi que tes deux précédents, comme de la littérature expérimentale ?
Comme je l’ai déjà dit, je voulais une roue carrée, projet joycien s’il en est, et donc 10 « tweets » de 10 page chacun. Pour ne pas lasser le lecteur, je me suis efforcé de trouver un thème pour chacun de ces chapitres, un peu comme ferait un musicien, avec le maximum de variations à l’intérieur de chacun d’entre eux. Ainsi, et par exemple, mon « tweet n°4 » est consacré au cinématographe, machine qui tournait oh combien autrefois ; le numéro 5 à la plus extraordinaire correspondance qui fût, celle de Nietzsche ; et le numéro 7 à la musique. Sans forme à construire et défendre, je n’écris pas, me contentant de prendre des notes, comme un kinok qui accumulerait des rushs. Donc oui, la forme doit s’accorder à un fond : le sujet des plaines du Donbass n’est rien sans la symphonie (cinématographique) qui la sous-tend, chez Dziga Vertov, dans son film Enthousiasme : Une symphonie du Donbass. Le lecteur s’apercevra assez vite, s’il ne décroche pas avant, que chaque chapitre est construit comme une petite bombe H, avec le maximum d’explosif dedans, et à chaque fois une sortie de chapitre différente, qui relâche la pression, et évite in fine l’explosion (par exemple, le « tweet n°8 » se termine par « & j’ai fini (ce tweet) », quand le numéro 9 se clôt sur « hourray pour ce livre sans organe pour en finir avec les doXas & le jugement de X »). J’ai refusé les espaces fines devant les signes de ponctuation car, ne me reconnaissant pas du tout dans la France macroniste, ce n’est plus du tout un livre français, bien que principalement composé en français – mais américain ! Je vois la politique de M. Emmanuel Macron comme un libéralisme oligarchique autoritaire, comme l’avait défini autrefois un penseur politique comme Carl Schmitt, avec une volonté de guerre permanente (aussi bien contre un virus que plus récemment contre la Russie…), et c’est peu de dire que je n’y adhère nullement. Je me reconnais bien plus dans la défense de la Liberté version américaine avec sa constante « Poursuite du Bonheur », telle qu’inscrite dans leur Constitution – qui est sans doute l’une des (si ce n’est la) meilleures au monde. Je m’inspire constamment de la littérature expérimentale du groupe Tel Quel (ainsi, mon (L)ivre de papier s’est voulu être un hommage au Paradis de Philippe Sollers, et mon Histoire splendide un écho à Carrousels, le chef-d’œuvre de Jacques Henric) ; pourtant, je me reconnais très peu dans la littérature « expérimentale » plus contemporaine des écrivains qui évoluent autour de la revue TXT ou des Éditions Al Dante : trop d’expérimentations gratuites là, quand je recherche plus d’incarnation, et de « cochonnerie » (Joyce, donc…). Tout fait sens, dans mon Tweet n°1 (du moins, je l’espère) ; pas de décoration, ni de provocation syntaxique gratuite : si beaucoup de choses peuvent y sembler parfois horribles, c’est que l’Histoire elle-même est horrible (ses dessous réels, ses intérêts d’argent, sa corruption systémique, ses complots) : un cauchemar (dont j’essaie de me réveiller…). Dans mes pérégrinations dans l’Histoire de la revue Art Press – dont je suis un fanatique absolu – j’ai eu la chance de tomber sur un entretien entre Jacques Henric et l’écrivain expérimentateur Maurice Roche paru en 1975 où je trouvai ceci :
Le X prolifère, se multiplie, envahit la tête pour devenir teXte, se prête à biffer (faites une croix dessus), à approuver (cocher dans la case), à renverser le monde perçu (chiasme optique) et le monde écrit (chiasme rhétorique).
Le programme de mon livre était tout trouvé ! Et pourtant, je suis tombé dessus, un peu par hasard, à la toute fin de la composition de Tweet n°1. Nous étions désormais « face au X, qui fait passer de la fiction à la fiXion », ou comment j’ai fabriqué certaines de mes bombes à hydrogène…
4 – Ta description des événements sociaux-politiques de notre époque est une hypercritique radicale de la bien-pensance et de la doublepensée : tu traques les inexactitudes, les affabulations, les manipulations de l’information et des événements planétaires. Tu nous les présentes d’ailleurs comme la véritable pandémie à laquelle nous avons été confrontés en lieu et place d’un virus pour lequel nous avons été confinés : celle de la langue prise dans l’étau du « mensonge érigé en ordre mondial », comme l’avait déjà formulé avant toi un certain K. Toutefois, ce ne sont pas avec des arguments que tu décortiques ce mensonge et le mets à nu, comme le font la plupart des « contestataires », mais avec la littérature même, grâce à une opération poético-esthético-linguistique que ne renieraient pas les situs. À travers la langue, tu parviens ainsi à faire résonner le « faux » que nous avons vécu comme ce moment du « vrai » devenu lui-même ce moment hypnotiquement fake duquel nous ne sommes toujours pas sortis. La langue, à condition de sa nature littéraire et poétique, serait-elle donc la seule qui reste pour poser des mots pour le dire, pour exprimer une parole qui soit encore de « vérité » quand les autres langues (notamment scientifique et médiatique) participeraient d’une propagande généralisée ? Mais comment la littérature peut-elle être plus à même de défendre et de représenter ce principe de non-contradiction que la science ne cesse de trahir ? La littérature – comme toutes les « humanités » en découlant – serait-elle au fond la seule et véritable connaissance primordiale à l’heure du techno scientisme ?
C’est une excellente question, et très complexe. Si on conteste les doxas actuelles avec un discours uniquement scientifique, comme par exemple l’a fait un Didier Raoult, on se fait vite taxer de « complotiste », pour vous faire taire ; mais si on utilise les phrases les plus terrifiantes d’un George Orwell, en son 1984, en les mettant en situation, alors la chose nous pète littéralement à la gueule : l’efficacité est totale – l’ennemi (le mensonge via la manipulation) mis à bas. Ainsi, dans mon « tweet n°9 », j’ai rapproché la réécriture de certaines pages Wikipedia des techniques de remodelage du passé dans 1984 :
the Party said that Oceania had never been in alliance with Eurasia; he Winston Smith knew that Oceania had been in alliance with Eurasia as short a time as four years ago but where that knowledge eXist ?
Dans un tel rapprochement, l’évidence des ressemblances avec les événements géopolitiques les plus récents vous explose à la figure… le Doublethink est pulvérisé du dedans !… Un sujet malheureusement de plus en plus d’actualité – la pédophilie criminelle – est quasi intraitable par les sciences sociales, car aussitôt qualifié de « complotiste » ou que sais-je encore, pour le dévaluer… Or l’écriture littéraire, c’est-à-dire l’écriture qui a en mémoire 5 000 ans d’écriture et d’Histoire, peut arriver, il me semble, à aliter cette actu (comme disait Joyce) – ainsi l’incipit de mon « tweet n°10 » :
À la fin des Temps n’était ni l’émotion ni la rage mais le seXe & même les anges en étaient pourvus on apprenait aux enfants à se toucher le zizi suivant en cela une ingénierie sociale de McKinseX les suicides d’enfants & les viols seraient considérés comme de simples dégâts collatérauX & l’Organisation Mondiale Sataniste régnerait pour Mille ans c’est quand ils virent qu’ils étaient nus que l’obsession seXuelle commença.
Plus loin :
est obscène ce qui est rigoureusement interdit par une société donnée à une époque donné.
L’écriture doit aborder cette obscénité, puisque celui qui veut censurer, c’est celui-là qui ment.
5 – Serait-ce un truisme que de dire que ton livre est en fait le « sous-titrage » du discours ambiant qui nous conditionne, et qu’il se donne pour ambition première – à l’opposé de ce discours – d’en traquer et d’en traduire toute la fausseté la plus flagrante ? Cette manière d’opérer était-elle pour toi la seule à pouvoir te permettre de te confronter à la réalité sans passer par la fiction qui, aujourd’hui, n’a plus rien de fictionnel, encore moins de fictionnaliste, puisque la majorité des fictions sont entièrement et désespérément fictives, à savoir qu’elles ne sont que l’ersatz de la littérature même qu’elles tentent d’effacer ? Comment as-tu traversé cette expérience d’écriture qui semble avoir été une épreuve existentielle car on sent dans le souffle de ton écriture l’étoffe du vécu comme si elle-même découlait d’une confrontation extrême à la mort, à la perte, à l’effondrement de ta propre vie, ici et maintenant ?
De façon générale, je me fiche complètement d’écrire… Rien ne m’inquiète plus qu’une biographie d’auteur en 4e de couverture où je lis : « X se consacre à l’écriture depuis qu’il a abandonné tel ou tel métier » (forcément considéré comme ingrat), etc. Comme le dit mon ami Jacques Henric : « Ont rien d’autre à foutre ?… » Je veux dire : quand on voit les résultats publiés ! Je commence à écrire quand je ne suis plus du tout d’accord avec le narratif dominant sur tel ou tel sujet : d’abord la numérisation complète de la chaîne du cinématographe (Fondu au noir — le film à l’heure de sa reproduction numérisée), puis la virtualisation intégrale de la vie, bientôt suivie de sa déréalisation ((L)ivre de papier), puis la doxa covidiste (L’Histoire splendide), et enfin la manipulation généralisée comme technique machiavélique de gouverne-ment (le tiret est voulu) : ce livre-ci. Chaque fois, en creusant, j’ai découvert ceci, et comme Balzac : c’est l’argent et l’intérêt qui sont les seuls moteurs de l’Histoire. Comme je n’ai pas l’imagination suffisante et l’énergie d’écrire une Comédie humaine réactualisée, alors oui, j’ai essayé de sous-titrer le discours ambiant, en le fissionnant – par exemple, et j’ai refusé de traduire les mots tous plus atroces les uns que les autres des fous pervers du World Economic Forum qui nous gouvernent en tirant les ficelles des marionnettes qui sont censées nous « représenter » :
we cannot hide away from human population’s growth because all these things we talk about wouldn’t be a problem if there was the size of population that there was 500 years ago sentez-vous maintenant la tentation pré-génocidaire de cette organisation supranationale non élue? & d’ailleurs puisque l’espèce humaine est porteuse d’innombrables germes ne devrait-elle pas à ce titre être elle-même « euthanasiée » d’urgence?
Et, oui, j’y suis allé à fond dans mes recherches de ce qu’ils peuvent se dire entre eux, au Forum de Davos, et, en effet, je n’en suis pas ressorti indemne : tant d’horreurs pensées, puis dites, en pleine lumière, si l’on peut dire : rien n’est caché ; tout est là, disponible, devant nos yeux, pour celui qui cherche… Quelle horreur ! J’avais emprunté à Philippe Sollers cette formule dans mon (L)ivre de papier : « les poètes sont faibles en économie politique » (il parlait là d’Ezra Pound) ; je la complète ici :
& pourtant je suis un inventeur bien autrement méritant que tous ceux qui m’ont précédé un logicien même qui ai trouvé quelque chose comme la clef de l’économie politique.
Tout cela ne va pas sans quelque vertige au bord du précipice d’un effondrement toujours tentant devant tant d’audace, et de « prétention »… À la toute fin du livre, le temps presse, je sais que je n’ai bientôt plus d’espace pour écrire, puisque je ne peux pas dépasser les 100 pages ; alors je m’offre en holocauste au lecteur, et meurs en quelque sorte, ayant tout donné, tout lâché, toutes « obscénités » contre notre temps…
6 – Toute comme Georges Perec estimait qu’écrire, c’est « essayer méticuleusement de retenir quelque chose, de faire survivre quelque chose : arracher quelques bribes précises au vide qui se creuse, laisser, quelque part, un sillon, une trace, une marque ou quelques signe », tous tes livres – depuis Fondu au noir – sont animés d’une puissance rare aujourd’hui, celle de la résistance absolue à la dématérialisation du monde, même en sachant que c’est le combat du pot de terre contre le pot de fer, puisque le torrent digital emporte tout : l’analogique, l’argentique, l’édition papier, les livres et journaux imprimés, la littérature, l’art et bientôt l’humanité encore physiquement « humaine », même si, il est vrai, rien n’est nouveau : toute l’œuvre de Günther Anders l’annonce depuis plus d’un demi-siècle…
Tu viens de le rappeler : sans la numérisation complète de la chaîne du cinéma, je n’aurais peut-être jamais écrit, puisque j’étais globalement heureux et « accompli » comme cinéphile, lecteur, et spectateur (d’expositions) ; le monde jusqu’alors m’agréait à peu près comme il allait. Je ne me suis mis à écrire que lorsque j’ai commencé à ne plus être d’accord du tout avec le discours dominant – qui nous vendait des vessies (des fichiers HD) pour des lanternes (magiques, origine lointaine du cinématographe, en Arabie). Depuis, la déréalisation du monde n’a fait que s’aggraver, en effet, et j’ai dû écrire de plus en plus pour la supporter. Durant toute la crise Covid, sans l’écriture, je serais littéralement devenu fou : aucune de mes expériences (par exemple, j’avais été trois fois en vacances en Suède, pour vérifier ce qui se passait, si on vivait normalement : rien !) ne correspondait au narratif raconté. J’ai écrit pour témoigner, comme le soulignait Viktor Klemperer en son opus magnum LTI (toutes proportions gardées), et comme si cela avait dû être mon dernier livre… De nouveau, la dernière page de Tweet n°1 est très « folle », et mélancolique… Et pourtant, ce ne sera pas mon dernier livre, puisque j’en compose un nouveau, Paralalangue, où j’ajoute un sous-titrage à la dernière hystérie « à la mode », le ridicule « mouvement » #HelloQuitteX…
7 – De manière logique, Elon Musk est une figure prépondérante tout au long de tes 10 tweets pour affirmer ou infirmer une réalité dont il n’est plus certain qu’elle soit vraie, ni même fausse, puisque totalement manipulée. Comme tu avais achevé d’écrire ton livre bien avant ce que nous sommes en train de vivre, comment peut-on appréhender sa lecture au regard de l’hystérie générale qui sévit ? Elon Musk doit-il être considéré comme le symptôme de ce réalisme manipulé et fictif qui recouvre le monde ? Dans ton livre, il semble apparaître comme le premier personnage fictionnel à endosser, à la fois et au même moment, les figures de héros et d’anti-héros, de gentil et de méchant, de sauveur et de fossoyeur ? Ton livre ne prouve-t-il pas d’ailleurs que n’importe quel personnage public d’envergure – et a fortiori « l’homme le plus riche du monde » – présente obligatoirement une double face, une dualité irréconciliable entre ce qui est et ce qui n’est pas, ce qui pourrait être, mais ne sera peut-être pas, et dont chacun de tes tweets révèle que cette dualité ne reflète, au fond, que les énergies contradictoires de l’humanité qui, en un temps X, s’affrontent en un seul être ?
Quand j’ai vu, au milieu de l’hystérie anti-Elon Musk, le logo de X surmonté d’une main gantée fasciste, cela m’a totalement bouleversé. « Ils » voudraient « nazifier » la couverture de mon livre ; je ne veux que défendre la Liberté dans l’Histoire. Ainsi, dans un renversement dont nos sociétés spectaculaires sont désormais coutumières, « on » avait réussi à renverser totalement la réalité – qui est que sur X on peut trouver la vérité sur un sujet, ou tout du moins s’en approcher, en suivant de bons comptes. Bien sûr, il y a le meilleur comme le pire ; mais soyons sûrs que si Galilée ou Copernic vivaient aujourd’hui, eh bien ils publieraient les résultats de leurs travaux sur X, avant même que de chercher et trouver un éditeur. Cela, ne fait aucun doute. De même, si un Jan Karski avait eu X à sa disposition, il aurait publié ses témoignages sur ce réseau, puisqu’on ne l’avait cru ni à Londres, ni à Washington… où on l’avait considéré comme « complotiste » avant l’heure. La censure tue ! Elle a tué Giordano Bruno. Et tant d’autres… Dans ce livre, j’ai peu abordé les activités d’Elon Musk autres que celle de repreneur de Twitter, société qui avait moralement totalement failli durant la crise du Covid (voir les « Twitter Files », qui eux-mêmes sont une réalité double, complètement manipulée par les uns et les autres en fonction de leurs intérêts propres (pro-Biden, anti-Biden, etc.), et dont je me refuse à partager tout lien interprétatif : que le lecteur se débrouille !…), entraînant de nombreux morts par censure : censure des rares médicaments qui fonctionnaient contre le Covid, censure des effets indésirables des « vaccins » maintenant avérés, censure des discours dits « rassuristes », etc. Quand j’ai vu que Musk promettait (et il a tenu ses promesses, jusqu’à preuves du contraire) de rétablir la liberté d’eXpression scientifique, j’ai foncé à la fois sur le réseau comme source d’information (quasi unique pour moi désormais, tant tout, ailleurs, est manipulé, et, partant, illisible ou inécoutable pour quiconque est passé « de l’autre côté » (du mur)) et dans l’écriture de ce livre qui devait à la fois devenir le musée de tous les mots en X (rires) et être le sous-titrage de l’hystérie ambiante (exemplairement, à l’époque de l’écriture de ce livre – 2022 à 2023 – le « No Twitter Day »). Évidemment, je ne m’attendais pas à ce que X et Elon Musk prennent une telle place dans la politique américaine et même mondiale… J’avoue que parfois, cela me donne le vertige. Pourtant, je m’accroche et me raccroche à ceci : sur X, on a pu savoir très tôt que les « vaccins » Covid-19 avaient été un ratage complet ; on a pu savoir que le climat n’a jamais été réglé, et que parler de « catastrophe climatique » est une hystérie de plus (à ne pas confondre avec la pollution et la surexploitation des sols et des forêts) ; on a pu savoir que Kamala Harris perdrait selon toute vraisemblance les élections américaines, tant le mouvement MAGA était devenu populaire (et sans aucun jugement de valeur ici ; juste les faits) ; et enfin, on a pu savoir assez tôt la réalité du front ukrainien, et qu’aller se faire trouer le ventre là-bas pour un jeune Européen était chose tout à fait inutile et nihiliste… Mourir à la guerre fait que vous n’existez plus : la censure (du réel) tue ! Je fais confiance à la Constitution américaine pour nous protéger du Mal absolu : la Liberté prévaudra, et la démo-cratie avec. Ne jamais oublier que nous assistons à une sorte de Western… Ne vivant pas aux États-Unis, et n’étant pas agent fédéral là-bas, je dirais même que cette dualité du Nouveau Pouvoir américain ne peut que nous faire du bien en France, en nous réveillant un peu : que l’on prenne notre propre destin en main !… (D’ailleurs, et même dans ses déclarations les plus provocatrices – de notre point de vue de « sociaux-démocrates » – Musk n’appelle pas à autre chose : débarrassez-vous de vos (mauvaises) chaînes !…).
8 – Finalement « X » n’est-il pas ce trou noir de l’espace-temps par lequel, tel que l’a formulé Gramsci, « le vieux monde se meurt, le nouveau monde tarde à apparaître et dans ce clair-obscur surgissent les monstres » ? Dirais-tu alors qu’en chaque monstre se cache un phénix ? Dans ce cas, que doit-on entendre et saisir de son oracle, puisque Musk nous parle aussi d’un avenir que nous sommes toujours incapables d’imaginer, et encore moins de saisir ?
Tout à fait : le vieux monde des médias traditionnels, devenus entièrement oligarchiques, se meurt… (On n’arrive plus, physiquement, à les lire… et pourtant, « on » a appris à lire et même à penser « là », qu’on se souvienne d’un Serge Daney dans les pages Rebonds de Libération, d’un Jean Baudrillard dans les pages « Tribunes libres » du Monde). Le nouveau monde des médias citoyens – « We’re the Media, now! » – tarde à apparaître… et dans ce clair-obscur, les monstres de la manipulation prospèrent : pas une seule parole vraie n’a été prononcée sur LCI ou BFM-TV depuis 5 ans, par exemple ! Au milieu de ces monstres que sont devenus les mass-media, réalisant la prophétie de Nietzsche au-delà de toute « espérance » (« Encore un siècle de journalisme, et tous les mots pueront »), une rose a éclot, le réseau X, seule agora du monde actuel (puisque la télévision ne peut plus l’être – trop d’intérêts en jeu, trop d’argent) : l’agora de toutes les opinions, sans quasi de modération si ce n’est des « notes de la communauté » (chacun peut y écouter à sa guise Musk, Trump, Barbara Stiegler, Beatrice Rosen, ou Gabriel Attal, pendant des heures, sans médiation, et sans commentaires ou conseils pour « bien penser ») – un possible phénix, oui. À nous, le peuple des citoyens, de le rendre désirable. We’re the Media, now! On entend beaucoup parler de « menace » sur la démocratie américaine ; je constate pourtant que le plus grand péril qui pèse sur icelle est la corruption, exemplairement dans la médecine… Forcément, ce sont les plus corrompus qui crient le plus quand tout ceci est déballé sur la place publique. Cela doit-il étonner ? Mais on déborde là du cadre de ce livre-ci.
Entretien © Guillaume Basquin & D-Fiction – Vidéo © Isabelle Rozenbaum – Illustrations © DR.
(Paris, mars 2025)
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Le jeudi 20 mars à 19h30 à la Librairie Tschann à Paris 6e.
Le samedi 5 avril à 17h à la Librairie Les Libres Champs à Paris 6e : rencontre avec l’auteur animée par Alessandro Mercuri.