… Vaut tous les yeux de lynx

PHILIPPE MARLIN s’entretient avec nous sur les Éditions de l’Œil du Sphinx qu’il a fondées et à l’occasion de la publication de son recueil, LE BIBLIOTHÉCAIRE DU RAZÈS (ODS, 2021) :

SECONDE PARTIE

Ceci est un récit de fiction impure ou mixte, oscillant entre la réalité de la fable et la fable de l’histoire. (Augusto Roa Bastos)

6 – Tout en étant de véritables néophytes concernant ces domaines que nous abordons avec toi, entrons donc – naïvement peut-être, mais avec sérieux – dans celui de l’ufologie… Qu’en dire, sinon que nous n’y entendons rien et que les auteurs qui représentent ce domaine nous semblent généralement ne produire que les pires extravagances et délires névrotiques possibles… Qu’ajouter encore, hormis que, lire un seul ouvrage de Jimmy Guieu ou de ses confrères au sujet de soucoupes volantes, nous rend plutôt critiques, voire expéditifs… Il n’est pas question pour nous de dire que ce serait faire preuve de pratiques fascinoïdes, mais simplement n’est-ce pas vain et stérile de lire Jimmy Guieu, ou n’importe lequel de ces ufologues, que de lire Pif Gadget ? Ne serait-ce pas comme d’encourager quiconque à lire la prose consensuelle et mièvre d’un Jean d’Ormesson (en Pléiade quand même !) ou les niaiseries romancées d’un David Foenkinos ou d’une Christine Angot ? Pourtant toi, tu as tout lu ou quasi dans le domaine ufologique, que ce soit de la fiction ou de la non fiction, et de manière consciencieuse… Tu as ainsi pu exprimer : « Je suis un passionné de science-fiction, mais je m’intéresse beaucoup à l’ufologie afin d’aller voir de l’autre côté des choses ». La question qui nous vient immédiatement est : comment est-il possible de lire un seul de ces ouvrages ? Qu’est-ce que cette littérature permettrait-elle finalement de saisir, d’apprécier, de faire prendre conscience, de remettre en question, de valider ou d’apporter comme connaissances et même comme imaginaire ? Ainsi, comment, mais surtout pourquoi, s’intéresser au grand œuvre de Jimmy Guieu en particulier, et à toute production en général émanant du Fleuve Noir Anticipation ou du Rayon fantastique (même si, il est vrai, ce dernier a publié, en 1959, Surface de la Planète de Daniel Drode[1]) ?

Pour faire la transition avec la question précédente, je regretterai l’absence de réflexion sur l’ufologie dans le pavé que nous venons d’évoquer. C’est pourtant une problématique importante dans le cadre de ce « monde de faux-semblants » que les auteurs nous décrivent. Car si le phénomène continue de nous échapper, il faut bien admettre que sa réalité est devenue incontestable. Examinons quelques contributions majeures :

L’Aube des extraterrestres (2020) est un livre important de Colin Wilson, passé malheureusement inaperçu lors de sa publication, alors qu’il pose clairement un décor qui nous est bien connu aujourd’hui. Et même si les OVNIS sont le prétexte de l’étude, l’auteur englobe dans sa recherche les phénomènes paranormaux, apparitions mariales et autres manifestations étranges. Son enquête est éclairée par sa fameuse « Faculté X » [2], et sa lancinante quête d’un « élargissement de la conscience », à la traque de facultés inexploitées. Wilson s’appuie très largement sur les travaux de Jacques Vallée [3]. Rappelons que ce dernier entrevoit dans le phénomène ufologique un système de « contrôle » évolutionniste terrestre, opérant sur l’inconscient collectif de notre espèce, d’où une vision holistique au travers d’exemples de phénomènes folkloriques ou contemporains sortant de l’ordinaire humain. Il se réfère également à Budd Hopkins et à ses incroyables enquêtes sur les « enlèvements ». Il se tourne enfin fréquemment vers la mécanique quantique, nous offrant de magnifiques pages de vulgarisation qui ne sont pas sans nous rappeler celles de Dos Santos dans La Formule de Dieu (2012). Il en arrive à la conclusion que « quelque chose essaie de communiquer avec nous, mais que cela ne peut se faire directement, comme s’il y avait nécessairement une part de mystère ».

– Autre ouvrage incontournable en matière d’ufologie, le fameux Rapport COMETA : Les Ovnis et la défense: A quoi doit-on se préparer ? (1999). Un groupe de personnalités, autour de l’Institut des Hautes Études de la Défense nationale (IHEDN), s’est penché sur le sujet pour attirer l’attention des Pouvoirs publics. Et le document est tout ce qu’il y a de plus solide, revenant sur les fameux cas « inexpliqués », au travers de témoignages de pilotes, agents radar, astronomes, etc. Une seconde partie, plus spéculative, s’interroge sur la nature de ces « engins », leur stratégie, en faisant un intéressant parallèle avec ce qui pourrait être notre propre conduite à l’observation rapprochée d’une planète habitée.

– L’ouvrage de Leslie Kean – Ovnis, des généraux, des pilotes et des officiels parlent (2014) – s’inscrit dans la lignée du rapport précédent avec une question lancinante que l’on retrouve au détour de pratiquement chaque page : mais pourquoi les USA, après le Rapport Condon (1968) et avec le projet Blue Book (1970), ont-ils décidé « qu’il n’y avait rien à voir » et cessé toutes recherches sur le sujet ? Une politique contraire à celles de la France avec le GEIPAN, du Royaume Uni avec le FSWP, ou encore, du Pérou et du Chili. Et pourtant ILS existent et les témoignages proposés par des personnalités de premier plan sur les cas les plus spectaculaires (Téhéran 1976, Portugal 1982, Alaska 1987, vague belge de 1990, vallée de l’Hudson 1990, aéroport de Chicago 2006, etc.) sont particulièrement éloquents : ce sont bien, pour ces observateurs, des engins physiques, aux capacités étonnantes et qui ne font preuve d’aucune agressivité. De surcroît, ils laissent parfois des traces (radar, radiations au sol…). La journaliste donne la parole à plusieurs acteurs, et c’est certainement Jean-Jacques Velasco (ancien responsable du GEIPAN) qui se « déboutonnera » le plus, suggérant que ces engins surveillent nos installations sensibles (centrales nucléaires, bases de missiles, etc.) comme pour nous éviter de faire de « grosses bêtises ». Leslie Kean en arrive à la conclusion qu’il n’y a certainement pas de « conspiration organisée », mais une sorte de tabou politique destinée à cacher le fait que les autorités ne savent rien. Elle montre – témoignages à l’appui – que les principaux acteurs (Hynek, Velasco, divers généraux) deviennent subitement bavards une fois partis à la retraite. Enfin, elle démontre avec talent tous les arguments militant en faveur de l’impossibilité « physique » de ces engins, surtout dans le cas d’une hypothèse extraterrestre. Il est évident que ces réflexions sont maintenant datées, le Pentagone, dans une audition publique devant le Congrès en mai 2022 ayant indiqué n’avoir rien détecté « qui puisse suggérer une origine non terrestre » à ces phénomènes. Mais, il n’a pas non plus définitivement exclu cette possibilité. En juin 2021, le renseignement américain avait déjà affirmé dans un rapport très attendu qu’il n’existait pas de preuves d’existence des extraterrestres, tout en reconnaissant que des dizaines de phénomènes constatés par des pilotes militaires ne pouvaient pas être expliqués. On ne peut quitter la thématique OVNIS sans citer les nouveaux développements de la recherche sur le sujet, regroupés autour de la thématique Ovnis & Conscience (2021). Cette réflexion part du livre dirigé par Fabrice Bonvin [4], et regroupant toute une pléiade de chercheurs dont le professeur agrégé et docteur en philosophie des sciences, Philippe Solal. Une recherche qui flirte avec la physique quantique, les théories de l’information, et qui nous dit lui aussi, en résumé : tout se passe comme si nous étions en présence de visiteurs invisibles, collant à notre réalité du moment, ce qui explique non seulement le phénomène OVNIS, mais aussi les anciens Dieux, les apparitions mariales et bon nombre de manifestations parapsychologiques. D’où viennent-ils, qui sont-ils ? On n’en sait rien, mais nous sommes cette fois dans cette réflexion aux antipodes des théories classiques dites « tôle et boulons » [5]. Une approche qui n’est pas sans rappeler certaines intuitions du chercheur Aimé Michel [6]. Et pour citer Philippe Solal :

J’aurais mille fois préféré, en tant qu’amoureux sincère du travail de la science, que les OVNIS soient des vaisseaux interplanétaires provenant d’autres systèmes stellaires ou d’autres galaxies, que nos moyens de détections matériels aient pu finir par déceler et identifier. Mais ce n’est pas vers cette solution que nous pousse l’investigation portant sur ce phénomène. Sa nature est plus complexe et nous conduit à déduire l’existence d’une “noosphère” ou d’une Conscience globale aux multiples densités, connectée avec nous, dont nous ne représentons qu’un certain étage.

Comme vous le voyez, ces travaux sont loin des écrits de Jimmy Guieu que vous brocardez. Jimmy était un personnage sympathique, même si, gravement malade, il a viré à la fin de sa vie dans un conspirationnisme paranoïaque dérangeant. J’ai beaucoup lu de ses romans lorsque j’étais jeune, comme d’autres lisent des récits de western ou des romans d’espionnage. C’était pour moi une distraction sympathique. Je ne me suis réellement intéressé à l’ufologie qu’après avoir été le témoin d’une « observation » en 1973, dans l’Ariège…

7 – Confessons cependant que nous avons lu quelques ouvrages traitant d’ufologie et d’extraterrestres… Notamment, les travaux de prospective du fictionnaire Dominiq Jenvrey, esquissant une réflexion sur notre capacité – à nous les terrestres – de rencontrer « l’Autre » et d’élaborer ainsi une « science rencontrologique » afin de nous confronter à ce qui nous dépasse, nous échappe, remet en question notre manière d’être et de penser, et cela afin d’en tirer une évolution d’ordre psychologique et de parvenir à penser la vie, non plus selon la philosophie des Modernes, mais selon ces nouveaux « modes d’existence » si chers à Bruno Latour. Mais comment dire ?… Les travaux de Dominiq Jenvrey traitent de l’ufologie comme « laboratoire », comme expériences esquissant une déconstruction réflexive de nos savoirs acquis, comme fictionnalisme pur : c’est-à-dire faire « comme si » cela pouvait arriver, et en tirer de grands principes, et non pas « c’est arrivé : on est cerné! ». De même, sur le sujet de l’ufologie, nous avons été marqués par les travaux de Bertrand Méheust qui nous semblent représenter des sommes incontournables et peu égalées jusqu’à présent, d’ailleurs très imprégnées d’une démarche sceptique tout à fait kuhnienne… ou fortéenne ! Confessons encore que nous avons lu un véritable et dément ouvrage publié par l’ODS… et qui nous a fait forte impression ! : Pénétration (2011), d’Ingo Swann. Au départ, ce n’est pas parce qu’il s’agissait d’ufologie que nous l’avons lu, mais en raison du fait que Swann a étudié le processus de visualisation à distance pour le Stanford Research Institute (SRI), notamment dans le cadre du projet Stargate, à travers des expériences qui ont attiré l’attention de la CIA. Connaissant des personnes qui ont croisé Swann et se sont intéressées à ses expériences au sein de l’Agence, nous avons donc eu la curiosité de lire ce témoignage que tu as publié alors même qu’aux US, l’ouvrage n’existait que sous la forme d’une autopublication… Il y aurait beaucoup à dire sur ce livre et nous souhaiterions que tu nous expliques ce qui t’a poussé à le publier : quel est l’enjeu éditorial d’un tel témoignage au regard de la recherche ufologique ? Qu’est-ce qui t’a semblé important dans ce que Swann révèle ? Pourquoi les expériences menées par Swann – toutes sourcées dans les moindres détails – ainsi que son témoignage précis et corroboré par des tiers, dérangent-ils tellement les autorités qui semblent avoir voulu le faire taire ? Nous aimerions aussi que tu nous expliques en quoi une partie des propos de Swann relève purement de la paranoïa et semble peu crédibles, nous n’oserions dire écrits par Jimmy Guieu lui-même ! Dirais-tu que ce qu’il est parvenu à faire à travers ses expériences ne pouvait que le rendre paranoïaque ? Ses propos problématiques n’altèrent-ils pas sa réflexion qui, toute aussi passionnante et perturbante soit-elle, finit toutefois par être un peu trop horrifiante… Nous en avons ainsi, nous-mêmes, ressenti une véritable oppression et un certain effroi lorsque nous avons achevé notre lecture. Est-ce justement ce qu’ont ressenti les autorités de l’époque ? Pour toi, malgré ses défauts, cet ouvrage crédibilise-t-il à lui seul toutes les révélations ufologiques les plus incroyables d’une existence extra-terrestre, voire extra-lunaire, connue des autorités américaines, mais cachée, et valide-t-il les perspectives de mutations terrestres développées par un Timothy Leary et un Carl Sagan et dont l’astrobiologiste Nathalie Cabrol, spécialiste en planétologie qui dirige le SETI Institute, vient de nous entretenir longuement ?

Préparer le « premier contact » est devenu une affaire très sérieuse brillamment popularisée par le film de Robert Zemeckis, d’après le roman éponyme de Carl Sagan. La réflexion menée en matière de linguistique est particulièrement remarquable. On peut la prolonger avec le livre de Frédérique Landragin, Comment parler à un alien ? (2018) qui nous propose une belle synthèse des langues de l’Ailleurs vues par la science-fiction. Vous avez raison de citer Méheust, un des trois grands noms de la parapsychologie française actuelle, à mon avis, avec Yves Lignon et Renaud Evrard. Pour ce qui est de sa réflexion ufologique, elle a pas mal évolué au cours de ces dernières années. À l’origine[7], il s’est longuement interrogé sur le rôle de la science-fiction, se demandant comment ces objets décrits de façon détaillée dans les pulps du début du 20e siècle devront attendre 1947 pour être observés dans la « réalité ». L’année 1947 marque, en effet, les débuts de l’ufologie « moderne » avec les observations du pilote américain Kenneth Arnold. Méheust sera à ce titre récupéré par les sceptiques, qui voient en lui un des tenants du modèle psycho-sociologique : les OVNIS n’existent pas et ne sont que des créations mentales de l’individu ou des protections imaginaires de la société. Il se défendra de cet étiquetage rapide dans son dernier ouvrage publié par l’ODS, La Postérité du Sabbat (2019), précisant avec humour qu’il est désormais totalement libre de parler (lire : je suis à la retraite !). Il reprend et complète un certain nombre d’études publiées dans des revues confidentielles, accréditant l’idée « qu’il y a bien quelque chose ».

Ma rencontre avec Ingo Swann s’est faite par l’intermédiaire d’un ami fortéen, passionné d’ufologie, qui avait traduit Pénétration en français, pour le plaisir... À l’époque, cet ouvrage n’avait pas été diffusé aux États-Unis, si ce n’est que sous forme d’une publication amateur (fanzine, 1998). Nous l’avons mis en chantier, et sorti en 2011, avec l’aide d’un autre collaborateur qui connaissait bien l’auteur. Il a immédiatement rencontré un public francophone [8]. Ingo Swann était issu d’une famille relativement aisée ; élève surdoué, il a suivi des études en biologie et en art. C’est vers cette dernière discipline qu’il s’est orienté, dans le registre fantastico-psychédélique. Il s’est rapidement fait remarquer par ses dons, imprimant sur des pellicules par sa seule pensée ou interférant sur la croissance des plantes. Après sa mobilisation lors de la guerre de Corée, il est revenu dans le « civil » où il a subi une foultitude de tests au Stanford Research Institute (SRI). Avec des résultats étonnants : dans les deux tiers de cas, les « visions à distance » d’Ingo étaient corroborées par la réalité, score pour le moins exceptionnel en matière de parapsychologie. Son exploit le plus spectaculaire, en 1973, fut de donner une description précise de l’endroit de la planète Jupiter qui allait faire l’objet d’une observation par la NASA. Car les talents de l’intéressé ne se bornaient pas à de vagues représentations, mais à une description détaillée de l’endroit dont on lui donnait les coordonnées. Une sorte de GPS psychique ! Nous sommes alors à l’époque du projet Stargate qui avait pour objet d’étudier la réalité et les applications éventuelles, militaires ou civiles, des phénomènes parapsychologiques. Et c’est dans ce contexte – toujours au SRI – que notre « voyant » a entrepris l’exploration de la face cachée de la Lune : il affirmait y avoir décelé une base spatiale dans laquelle évoluaient de nombreuses personnes et de relater comment il s’était fait repérer par elles et comment cela avait entraîné un certains nombres d’ennuis pour lui ensuite. Cependant, la seconde partie de l’ouvrage vire, hélas, à la conspiration primaire. L’auteur dénonce faire l’objet d’une surveillance rapprochée par des sortes de MIB et accuse avec véhémence les autorités américaines de faire le blackout sur le sujet. Et il est vrai que l’arrêt (provisoire ?) des missions d’exploration de notre satellite jette un certain trouble sur ses affirmations. Ingo Swann se retirera de la recherche gouvernementale en 1989, non sans avoir perturbé la communauté scientifique. Il décédera en 2013 et la cérémonie funéraire, sous forme de clin d’œil, se déroulera à New York, au Nicholas Roerich Museum [9].

8 – Nous ne pouvons, ici même, aborder tous les sujets traités par les ouvrages dont tu es l’auteur ni même par ceux dont tu es l’éditeur, sujets que tu développes au fil des pages de ton recueil d’entretiens avec Claude Arz. Toutefois, il y a un sujet que nous ne pouvons éviter : celui de Rennes-le-Château. Il s’agit d’une « affaire » comme il en existe peu, assez ébouriffante et rocambolesque, mais finalement très éloignée dans la « réalité » de ce que l’essai, L’Énigme sacrée (1982), ou le roman, Da Vinci Code (2003) nous en relatent. Au fond, cette « affaire » n’a été alimentée que par des malentendus et des manipulations, amenant à un gigantesque gloubi-boulga d’informations et de matériaux dont on ne sait plus lesquels relèvent de l’histoire, de la légende, ou d’une forme de contrefaçon. Comme tu es l’un des rares, sinon le seul, à maîtriser le sujet en France et que ton nouveau livre, Le Bibliothécaire du Razès, reprend l’ « affaire » à zéro afin d’en exposer les tenants et les aboutissants de manière aussi passionnante que pédagogique, peux-tu nous expliquer – sans devoir redire ce que ton livre expose admirablement – le pourquoi du comment de l’emballement politico-médiatique concernant l’histoire d’une paroisse et de son curé dont personne n’avait vraiment entendu parler jusqu’alors ? Parmi les affaires colportées par l’intermédiaire d’un essai et d’une fiction – celui de Lincoln et celle de Brown – est-ce la plus importante à laquelle ait dû se confronter le Vatican ? Si cette affaire a eu autant de retentissement, est-ce parce qu’elle aurait un fond de « vérité » quant à ses spéculations les plus incroyables ? Comment interpréter ces différentes affaires au-delà même de ce qu’elles représentent chacune ? Incarnent-elles une sorte de catharsis d’un point de vue religieux ? Ont-elles à voir avec une crise du rapport de nos sociétés aux mythes, et finalement à notre Histoire, ou bien au contraire, sont-elles le signe d’une recherche avérée d’ordre spirituel ? Nous voudrions reprendre une question de ton ouvrage : « L’affaire de Rennes-le-Château a-t-elle suscité un véritable courant de création s’inscrivant dans les domaines littéraires ? », et la transformer par : Da Vinci Code a-t-il modifié notre perception de la fiction de genre ? De quoi, finalement, ce roman est-il le symptôme ? Est-il le facteur déclencheur – de même d’ailleurs que les fictions d’Umberto Eco – de l’émergence d’un genre en particulier, celui que Lauric Guillaud et toi avez étudié dans un ouvrage publié à l’ODS : Le Polar ésotérique : sources, thèmes, interprétations (2016) ?

Je me suis intéressé à l’affaire de Rennes-le-Château pour trois raisons. D’abord, parce que j’aime les énigmes, et quand elles stimulent mon imagination parce qu’elles flirtent avec les Terres de l’Ailleurs, j’ai tendance à foncer. Vous parlez de gloubi-boulga, et ce n’est pas faux… Moi, je préfère l’image suivante :  vous prenez une grande feuille de papier, vous mettez au centre l’abbé Saunière et son église, et vous tracez tout autour des cercles concentriques :

– Le premier est celui des certitudes matérielles : un enrichissement mystérieux, une décoration saugrenue, un domaine de « parvenu », un recours immodéré aux « intentions de messe », une récolte abondante de dons de paroissiens (et surtout de paroissiennes) fidèles…

– Sur le second cercle, vous allez indiquer ce qui est possible, mais non démontré : des découvertes dans l’église (objets précieux, parchemins), en dehors de l’église (caches contenant des richesses dans des grottes autour de la colline, comme des biens précieux entreposés par le diocèse d’Alet [10] au moment de la Révolution française).

– Sur le troisième, vous notez les hypothèses matérielles : trésor de Wisigoths, des Templiers, des Cathares, de Blanche de Castille, or alchimique, usure.

– Sur le quatrième, vous indiquez les hypothèses « spirituelles » : présence dans les environs du tombeau du Christ, de celui de Marie-Madeleine ; découverte d’informations sensibles sur la « vraie vie » de Jésus ; existence d’une descendance des deux personnages qui aurait traversé l’histoire sous couvert d’une société secrète, le Prieuré de Sion ; localisation de l’Arche d’alliance ou du Saint Graal.

– Sur le cinquième, vous portez les hypothèses politiques : mise à jour d’une généalogie secrète de la Royauté en France à partir des Mérovingiens, descendance qui aurait fait souche dans le Razès, elle aussi sous couvert de cette société secrète, le Prieuré de Sion ; combat occulte contre la République.

– Sur le sixième, vous rassemblez les hypothèses farfelues : culte du sang, cannibalisme, crimes crapuleux entre curés, secrets de confessions, extraterrestres. Vous pouvez rajouter à la périphérie de la feuille deux séries de petites boîtes. Les unes regroupent les personnes avec lesquelles le curé a été en relations ; les autres, les méthodes utilisées par les chercheurs (dépouillement d’archives, cryptographie et décodage, géométrie et géographie sacrées, langue des oiseaux, écriture automatique et médiumnité, cosmobiologie, tellurisme…).

Vous pouvez maintenant réunir vos amis et les faire réagir ! Vous allez passer un bon moment ! En fait, ce qui est fascinant, c’est que cette affaire est comme le papier tue-mouches qui était dans la cuisine de ma grand-mère. Il attrape tout… Ensuite, parce que mon intérêt est la conséquence directe du point précédent. Je me suis toujours intéressé à la mythologie, et avec l’affaire de Rennes-le-Château, j’ai eu le sentiment d’assister à la création d’un nouveau mythe. J’ai analysé ce phénomène dans Le Bibliothécaire du Razès qui peut se résumer de la sorte [11] : Toute création mythologique suppose un terrain favorable : un passé de la région extrêmement riche (templiers, cathares, trésors) ; une anomalie apparente (un curé qui s’enrichit considérablement). Mais ce terreau doit être régulièrement nourri. C’est ici qu’apparaissent de vrais-faux documents commis par des mystagogues souhaitant raconter une belle histoire. Ils n’hésiteront pas à réécrire le passé pour donner du crédit à leur thèse, tordant au passage la biographie de personnages célèbres (la cantatrice Emma Calvé qui devient la maîtresse de Bérenger Saunière, Jean Orth, cousin de l’Empereur François-Joseph, qui aurait été en relation avec le curé pour de sombres trafics). On reconnaîtra, ici, l’œuvre de deux affabulateurs, le comédien Philippe de Cherisey et l’inquiétant Pierre Plantard, dévoré par l’ambition. Celui-ci n’hésitera pas à rentrer dans la peau du « Rejeton Ardent », dernier représentant de la lignée des Mérovingiens et activiste douteux du non moins douteux Prieuré de Sion. Pour que la mayonnaise prenne, et que le mythe s’installe dans la durée, il faut encore une belle plume ! Ce sera Gérard de Sède qui, en 1967, publiera L’Or de Rennes, ou la Vie insolite de Bérenger Saunière curé de Rennes-le-Château [12], complétement intoxiqué par les révélations des deux mystificateurs que nous avons rencontrés. Enfin parce que la dernière raison est d’ordre familial. Ma belle-fille rêvait d’être libraire et la librairie de Rennes-le-Château venait d’être mise en vente. L’affaire fut vite conclue et mes enfants s’installèrent au pied de la Colline fin 2003. Une belle aventure qui durera 13 ans, et nous amena à ouvrir une seconde librairie dans le village voisin de Rennes-les-Bains, lui aussi doté d’un légendaire très riche. C’est notamment à Rennes-les-Bains qu’officiait – du temps de Saunière – l’abbé Boudet, auteur d’un livre inénarrable : La Vraie Langue celtique et le Cromleck de Rennes-les-Bains (1886) [13]. Inénarrable, parce qu’il n’y a pas de pierres levées dans le secteur, mais aussi, parce qu’il nous explique sérieusement que l’anglais moderne est la langue originelle de l’humanité ! Mais bon sang, c’est bien sûr, il s’agit d’un livre crypté qui dissimule le secret du Razès ! Des générations entières de chercheurs ont tenté de décoder et décodent encore l’œuvre de ce fou littéraire. Comme vous le voyez, la recherche du trésor de l’abbé n’a jamais été ma cup of tea, mais l’analyse de ce mythe agglutinant m’a fait passer des moments fort sympathiques avec des personnages haut en couleurs. Et puisque, ici, nous aimons les livres, insistons sur le fait que cette affaire de Rennes-le-Château a donné lieu à une production ébouriffante. Mon listing personnel recense à ce jour 937 ouvrages en français et 319 en langues étrangères. La production – même si le soufflet est un peu retombé – est de plus de 10 ouvrages par an. Évidemment, il y a de tout dans ces publications : le pire et le meilleur. En tête de gondole, on citera L’Énigme Sacrée de Lincoln, Baigent et Lee, accréditant la thèse de la descendance divine. J’y ajouterai le Da Vinci Code de Dan Brown, fiction dont le Prieuré de Sion est le héros. Comme vous le faites justement remarquer, le best-seller américain a ouvert les vannes à tout un curieux courant littéraire, une branche du polar ésotérique que j’appelle « théo-fiction ». La recherche de la divinité, qui est au cœur de tout homme, est empreinte de mystère, et si on y ajoute un blackout supposé de l’Église, un parfum de complotisme, et pourquoi pas quelques nazis – du genre d’Otto Rahn – qui étaient sur la piste – le succès est au rendez-vous !

9 – Cependant, si l’on s’entend pour trouver dans le polar ésotérique – à l’image d’un Umberto Eco ou d’un Valerio Evangelisti – des auteurs de grande qualité dont il est certain qu’ils ont produit une œuvre digne de ce nom, que penser de ceux qui – à l’image de Dan Brown, mais aussi de tous les JR Dos Santos, Glenn Cooper, David Gibbins, Steve Berry, Giacometti & Ravenne, Loevenbruck… – produisent du storytelling au kilomètre, c’est-à-dire des fictions préformatées, standardisées et correspondant aux canons d’une pure marchandise consumériste que nous appellerons volontiers SVC (Sujet, Verbe, Complément) ? Si le paranormal a toujours nourri au fil du temps des œuvres fictionnelles dont on parle encore, c’est d’abord, et avant tout, parce que leurs auteurs avaient une écriture, une pensée et surtout – surtout ! – une langue. Ainsi, que l’on songe à Stoker, Poe, Borges, Shelley, Tolkien, Le Guin, Maupassant, Buzzati, Lautréamont, Machen, Hoffmann, Lovecraft, Meyrink, Kafka, Gautier, Hesse, Doyle etc., nous avions à faire à des auteurs qui avaient conscience que l’alchimie de transformation d’une pensée par l’écriture n’était pas un vain mot. Or, aujourd’hui, quand une fiction de cette qualité paraît – comme dernièrement, en France, Mycélium (2022) de Fabrice Jambois – qu’en dit-on, sinon rien ? N’est-ce pas précisément parce que de telles œuvres gênent de par leur exigence d’écriture, leur prouesse formelle, leur puissance stylistique dont sont totalement dépourvues ces fictions ultra médiatiques à la Brown ou Dos Santos qui, reposant essentiellement sur un sensationnalisme marketing, pseudo messianique ou autre, brassent en fait du vide, sinon du fake et ne s’imposent qu’au prix d’une manipulation lénifiante de la connaissance et de l’imaginaire, sachant que la plupart de ces ouvrages peuvent très bien s’interchanger à l’infini ? Ainsi, pour toi, que reste-t-il de l’idée même de « littérature » dans le polar ésotérique aujourd’hui ? Quel est son avenir comme objet de lecture si les « œuvres » qui le constituent ne sont, au mieux, que de banals scénarios prémâchés pour téléfilm ? En d’autres termes, quel est l’intérêt de lire encore du polar ésotérique si celui-ci produit essentiellement des contenus imprimés sans langue, ni style, et qui n’ont donc plus de raison d’être considérés comme des œuvres aussi singulières qu’uniques ?

Je vous rejoins sur le fait que ce type de littérature peut produire de petites perles comme Mycélium. De mon côté, j’ai mis à la tête de mon hit-parade personnel de l’année dernière Notre part de nuit (2021) de Mariana Enriquez, un roman qui nous entraîne dans les méandres du mal absolu. Une autre plume que j’apprécie est celle de Stephen King dont l’un des derniers ouvrages, L’Institut (2020) se déguste avec une tendresse mêlée de terreur, car il nous conte comment créer des horreurs avec de braves bambins surdoués. Mais je serai moins sévère que vous concernant une grande partie de cette « littérature ». Comme nous l’avons vu, elle remplit un rôle important qui est de « réenchanter le monde » mis à mal par des siècles de rationalisme. Ce qui est vrai, c’est que le succès foudroyant du Da Vinci Code a inspiré toute une pléiade de plumitifs pensant avoir trouvé le bon filon. J’avais publié, à cette époque, un article en donnant la maquette type du produit [14] : le « secret » prend naissance à des époques lointaines, passant de l’Atlantide à Sumer pour se retrouver en Égypte. Il traverse la Maison de David, marque de son empreinte Jésus (qui épousera Marie-Madeleine avec laquelle il aura des enfants) avant de se retrouver en Égypte. Il sera récupéré par les Templiers (et/ou les Cathares), inspirera les bâtisseurs de la Chapelle de Rosslyn en Écosse avant d’être sauvegardé dans les caves du Vatican et/ou des loges maçonniques, tout en étant activement recherché par des sociétés secrètes comme les Illuminati ou le Prieuré de Sion. Bérenger Saunière était sur la piste, à l’instar d’Otto Rahn (et d’Indiana Jones !). Bon, je m’arrête là pour ne pas sombrer dans le ridicule… Cet appétit pour le mystère ne s’est pas tari et s’attaque à de nouvelles terres pour coller à l’actualité, et notamment aux progrès de la science. Le portugais José Rodriguez Dos Santos n’est, certes, pas un grand écrivain. De surcroît, en le lisant, on ne peut qu’être déçu par la partie thriller (énigme à résoudre), généralement faiblarde. Mais ses principaux écrits relèvent surtout de la vulgarisation, domaine dans lequel il est percutant. J’ai déjà cité La Formule de Dieu (2012) qui, avec sa suite, La Clé de Salomon (2014) est une belle introduction aux mystères du quantisme ; complétons avec Signe de Vie (2018) sur la conscience non humaine, Immortel (2020) sur l’Intelligence artificielle, ou encore Âmes animales (2022) sur l’écolo-terrorisme. Le cas de Dan Brown est à mettre un peu à part. Le succès lui est tombé sur la tête, alors qu’il ne s’y attendait pas. Ce n’est pas non plus un grand écrivain, mais à l’instar de Dos Santos, c’est aussi un vulgarisateur de qualité. Le dernier livre que j’ai lu de lui, Origine (2017), est une belle réflexion sur le Big Bang et ce qui le précédait. Et contrairement à son homologue portugais, il nous offre une intrigue charpentée qui mérite le qualificatif de thriller.

10 – Évoquons pour conclure, deux écrivains qui te tiennent particulièrement à cœur comme ils le sont à nos yeux, et au-delà de Lovecraft ou de Poe dont il n’est plus besoin d’assurer la promotion : Colin Wilson et Jean-Charles Pichon. Le premier – auteur britannique aussi notable que Orwell, Huxley, Burgess ou encore Ballard – a publié une œuvre exceptionnelle qui, entre fiction et non fiction, s’impose à nous comme l’une des plus clairvoyantes et profondes qui soient, notamment sur la question du mal et de la subversion à travers la figure du criminel, œuvre qui a vu le jour au même moment que Le Matin des magiciens. Toutefois, peu de titres de Wilson, sinon ses polars, sont aujourd’hui disponibles, pas même ce que nous considérons comme des chefs-d’œuvre du genre : Le Sacre de la Nuit (1960), Les Parasites de l’esprit (1967), La Pierre philosophale (1969), Le Dieu du labyrinthe (1970) ainsi que son essai le plus significatif : Archéologie interdite : de l’Atlantide au Sphinx (2001). Le second, Jean-Charles Pichon, peut être présenté comme une sorte de Mircea Eliade français qui a proposé une théorie du « temps cyclique », mais aussi, qui a tenté de démonter la construction mathématique, mythique ou ésotérique d’œuvres magistrales. En parallèle, il s’est dédoublé – ou détriplé – en ayant produit une œuvre poétique et romanesque conséquente, et tout aussi invraisemblablement méconnue au regard de son importance. Présente-nous chacun de ces deux auteurs en nous expliquant l’importance de leur œuvre respective dont tu es, sans aucun doute, l’un des plus fins connaisseurs. Comment les as-tu découverts ? Pourquoi leurs œuvres ont-elles retenu ton intérêt ?

J’ai découvert Colin Wilson, il y a un nombre respectable d’années, au détour de mes pérégrinations dans l’univers des éditions Planète, et l’ai redécouvert plus récemment, à l’occasion de divers travaux sur H. P. Lovecraft [15]. Une redécouverte fascinante, car je n’avais pas mesuré, lors de mes premières lectures, l’extraordinaire bouillon de culture dans lequel l’auteur était immergé, ni encore le solide fil conducteur unissant ses travaux multiformes [16]. Car Wilson a touché à tout sur le plan des thématiques : la philosophie, la psychologie, la psychiatrie, la criminologie, la parapsychologie, la sexualité, mais aussi l’occulte, l’archéologie mystérieuse, les EMI, l’ufologie… Et ses investigations ont été réalisées en compagnie d’une multitude de « référents » comme Lovecraft, mais aussi Jung, Crowley, Raspoutine, Steiner, Reich, Gurdjieff, Ouspenski, Borges ou Shaw. Il consacrera du reste, à plusieurs de ces derniers, d’intéressantes biographies. Quant à la forme, aucun registre ne lui était étranger, passant du roman noir au thriller et à l’espionnage, de la science-fiction au fantastique, du traité philosophique à l’autobiographie :

Pour moi, la fiction est une excellente façon de philosopher. La philosophie ne serait que le fantôme de la réalité qu’elle essaie de comprendre sans la fiction qui lui donne de la substance. Aucun penseur ne mérite le qualificatif de philosophe tant qu’il ne s’est pas consacré au roman. [17]

Cette citation décrit parfaitement son œuvre, et permet de comprendre pourquoi elle est d’un accès facile et agréable. C’est certainement le propre des grands penseurs que de savoir vulgariser leur démarche par le biais de la fiction. Je pense, ici, à mes deux philosophes préférés : Raymond Abellio avec La Fosse de Babel (1962) et Jean-Charles Pichon avec Les Témoins de l’Apocalypse (1964, rééd. 2016) . Mais ce qui m’a le plus séduit chez Wilson lors de mon immersion dans son univers foisonnant, c’est la forte cohérence de la démarche de l’auteur. L’homme est aliéné par la sclérose intellectuelle ambiante, par le poids de la quotidienneté alors que sa conscience possède des capacités infinies. Et toute sa recherche sera de tenter de faire « sauter les barrières » et de devenir un Outsider. Il définissait sa philosophie comme un « nouvel existentialisme » ou un « existentialisme phénoménologique ». C’est une œuvre marquée par son temps, celle des années 50-60, prisonnière d’un existentialisme étouffant l’individu au lieu de chercher à le libérer. Mais nous sommes aussi à un moment charnière où les hippies commencent à pointer le bout de leur nez dans la foulée de la Beat Generation. Un courant d’air frais est de surcroît prêt à se lever avec Le Matin des magiciens. Pour datée qu’elle soit, l’œuvre de Wilson est d’une actualité permanente, les recherches sur la conscience et l’énergie vitale trouvant un nouvel essor sous l’éclairage contemporain des neurosciences et des disciplines quantiques [18]. Ne en 1931 et décédé en 2013, Wilson est un écrivain anglais, issu d’une famille ouvrière de Leicester. Il commencera à se passionner pour les sciences avant de se tourner vers la littérature à la lecture de George B. Shaw. Il fera un long passage à Londres, se liant d’amitié avec d’autres « artistes en herbe » comme Laura Del Rivo, Bill Hopkins et Stuart Holroyd, tout en passant les nuits en squat sur Hempstead Heath avec un maigre pécule. Il a raconté cette période avec talent dans son autobiographie romancée, Soho à la dérive (1964). Il épousera Dorothy B. Troop en 1951, mariage qui tournera rapidement au fiasco, avant de rencontrer Pamela Joy Stewart en 1953 avec laquelle il passera toute sa vie. C’est son ouvrage sur la philosophie existentielle, L’Homme en dehors (1958), qui lui fera connaître le succès alors que son second livre Le Rebelle face à la religion (1961), déclenchera un véritable scandale. Son éditeur lui conseillera d’ailleurs de prendre un peu « l’air », et le couple s’installera à Cornwall-Gorran Haven en 1959. Il a écrit plus d’une centaine d’ouvrages (115 selon le recensement de Colin Stanley).

Ce sont les Éditions Planète qui le feront connaître dans l’Hexagone dans les années 60 avec La Cage de Verre (1969) et Les Parasites de l’esprit (1967). Un fonds spécial Colin Wilson a été inauguré en 2011 à l’Université de Nottingham qui organise régulièrement des colloques sur son œuvre. Un site Internet – très riche – lui est dédié par un groupe de chercheurs universitaires épaulés par la famille. Les « influenceurs » de Colin Wilson sont nombreux comme nous l’avons vu, mais une place particulière doit être accordée à Lovecraft auquel il consacrera un « vrai-faux » Necronomicon. Dans The Strength to Dream : Literature and the Imagination (1962), il considérait l’Ermite de Providence comme étant quelque peu dérangé, et de surcroît, maniant fort mal la plume. Seule la nouvelle Dans l’Abîme du Temps (1936) trouvait alors grâce à ses yeux, puisqu’il qualifiera ce texte de science-fiction « correct » [19]. C’est August Derleth qui lui fera découvrir la richesse de Lovecraft dont il dira, dans sa préface aux Parasites de l’esprit, qu’il est le symbole parfait de l’écrivain outsider du 20e siècle. Il ajoutera de façon navrante :

Que ce serait-il passé si Lovecraft avait bénéficié d’un salaire décent, lui permettant de passer ses hivers en Italie et ses étés en Grèce ou en Suisse ? Il aurait certainement moins produit, mais ce qu’il aurait écrit aurait été probablement plus ciselé que cette littérature médiocre qu’il destinait à des pulps bon marché. Il aurait pu laisser libre cours à son inlassable curiosité et à son érudition colossale, développant une œuvre proche de celle d’Anatole France ou de Jorge Luis Borges.

Mais, outre l’aspect purement littéraire, ce sont les « visions » de Lovecraft qui le subjugueront. Elles rejoignent, en effet, ses propres recherches sur les limites de la conscience : Les Parasites de l’esprit ne sont pas sans rappeler les intuitions du « Prince noir » de Providence, cherchant dans ses textes par le rêve, et parfois par la drogue, à opérer une véritable régression génétique. Qu’y-a-t-il aux origines de l’humanité, et au-delà ? :

Je me suis souvent demandé si la majeure partie des hommes ne prend jamais le temps de réfléchir à la signification formidable de certains rêves, et du monde obscur auquel ils appartiennent. Sans doute nos visions nocturnes ne sont-elles, pour la plupart, qu’un faible et imaginaire reflet de ce qui nous est arrivé à l’état de veille (n’en déplaise à Freud avec son symbolisme puéril) ; néanmoins, il en est d’autres dont le caractère irréel ne permet aucune interprétation banale, dont l’effet impressionnant et un peu inquiétant suggère la possibilité de brefs aperçus d’une sphère d’existence mentale tout aussi importante que la vie physique, et pourtant séparée d’elle par une barrière presque infranchissable. [20]

Si on met de côté la partie commerciale de l’œuvre de Wilson sur les grands mystères, écrite sur la dernière partie de sa vie – encore qu’elle soit très liée à l’occultisme – le fil conducteur de sa démarche est assez évident : c’est l’aventure d’un outsider qui découvre très tôt que la médiocrité du quotidien est un obstacle irrémédiable à la création, et que l’homme a d’immenses capacités inexploitées. De là, une investigation en profondeur dans les méandres de l’énergie vitale et de la conscience afin de chercher à détruire les barrières et à libérer le « sens ».  Son investigation va l’amener à explorer des sentiers sulfureux, mais qui conduisent toujours à des impasses : le sexe conduit à une illumination, mais extrêmement brève ; le crime peut provoquer l’extase, mais débouche irrémédiablement sur la déchéance humaine ; la pratique de la magie noire peut provoquer un frisson, mais celui-ci se transforme rapidement en une gesticulation ridicule ; l’alcool et les drogues créent de fausses illusions et ne font qu’aggraver le repli sur soi. Inéluctablement, ces fausses pistes l’amènent à pressentir le facteur « déclencheur ». Manifestement, L’Occulte (1971) marquera un tournant important dans sa recherche avec la mise en lumière ce qu’il appelle la « Faculté X ». Remarquons enfin – sous forme de clin d’œil à Lovecraft et à Borges – que Colin Wilson aime truffer ses fictions de livres imaginaires, complétant pour notre plus grand plaisir notre Bibliothèque de l’Impossible !

Pour ce qui concerne Jean-Charles Pichon, je l’ai découvert grâce au réalisme fantastique. En effet, les Éditions Planète ont publié deux de ses ouvrages : Le Dieu du Futur (1966) et Celui qui naît (1967) qui suivent la sortie chez d’autres éditeurs de : Nostradamus et le secret du temps (1959), Saint-Néron (1962), Le Temps de Verseau (1962), Les Cycles du retour éternel (2 vol., 1963) et L’Homme et les dieux (1965). Son œuvre [21], encore plus que celle de Colin Wilson, reste à découvrir aujourd’hui. Inexplicablement méconnu, en effet, Jean-Charles Pichon a conçu une somme prolifique, multiforme, souvent dérangeante, voire iconoclaste, jusqu’aux confins de la métaphysique et de la spiritualité. S’il est un théoricien de la Machine de l’éternité,  il fut d’abord un romancier et un poète. Sa poésie habite profondément ses textes et rythme son écriture jusqu’à ses derniers écrits. Il a été également un dramaturge, accueilli par les théâtres parisiens, un scénariste, et un dialoguiste salué par Jean-Luc Godard. Comme journaliste et critique, il s’est opposé aux impostures de son époque. Rappelons qu’il fut aussi un autobiographe corrosif, un romancier sans étiquette (navigant entre le polar et le fantastique), également un essayiste, préfigurant ses œuvres ultérieures.

À partir des années 60, sous l’impulsion de son éditeur Robert Laffont, puis de Jacques Bergier et de Louis Pauwels, il élabore, comme encyclopédiste, des ouvrages sur l’histoire des dieux, des civilisations et des mythes : une immense fresque sur les cycles et les rythmes du temps, reliant toutes les connaissances de l’humanité, de la kabbale à la mécanique quantique. Dès les années 80, il tente de « démonter » la construction mathématique, mythique ou ésotérique d’œuvres majeures (Ézéchiel, Platon, Lao Tseu, la Kosmopoïa de Leyde, Huysmans, Kant, Jung, Jarry, Roussel, le Sefer Yetsirah, Heidegger, Paracelse, Beckett, William H. Hodgson, Mallarmé, Melville, Teilhard de Chardin, Valéry, Dumézil, Daumal, Poe, Hawthorne, Tchaïkovski, Stubbs, Potocki, etc.). De 1996 à la fin de sa vie, il compose et construit ce qu’il nomme la « Machine universelle ». Il s’agit d’une mécanique qui cherche à expliquer l’Histoire et à prédire le futur. Mais cette mécanique prédictive se double d’une véritable recherche théologique, celle du Dieu du futur : Celui qui viendra. En simplifiant à l’extrême, les théories cycliques revêtent deux formes : Celles qui s’inspirent des traditions orientales (hindouisme et bouddhisme) et qui découpent un processus de 12 000 ans en quatre phases : l’âge d’or, l’âge d’argent, l’âge de bronze et enfin l’âge de fer (ou Kali Yuga) qui marque la fin de la décadence avant le retour à l’âge d’or. Celles qui s’inspirent de la théorie astrologique des douze ères. L’humanité obéit à des « grandes années » de 26 000 ans, chaque grande année étant divisée en douze ères d’environ 2 160 ans chacune, correspondant à un signe du zodiaque. C’est cette théorie qui sera reprise et appliquée par Jean-Charles Pichon dans Les Cycles du retour éternel (1963), puis dans Les Trente années à venir révélées par l’Histoire cyclique (1973). Ce dernier ouvrage est très représentatif du travail de Pichon : prendre une période ancienne et la comparer à ce qui se passera 2 160 ans après. Facilement abordable, elle est l’illustration que donne l’auteur de sa démarche dans un roman : Les Témoins de l’Apocalypse (1962, rééd. 2016). Il n’est effectivement pas évident de faire de la « prophétie rapprochée », et cet ouvrage en est la preuve : le premier Président noir des USA a été élu en 2 177 par exemple [22] ! Mais, même si ce livre est daté, il est d’un accès facile pour qui veut cerner les grandes options philosophiques de Jean-Charles Pichon. Nous sommes immergés dans une profonde angoisse métaphysique, parfaitement illustrée par Julien Béraud, l’un des premiers personnages du récit. Lorsque ce dernier rencontre le Pape, il lui avoue : Neuf siècles sans une parole d’En-Haut, sans un miracle, sans une alliance entre l’Éternel et l’humain, neuf siècles sans Dieu… Notre tâche est d’assurer, contre tous les périls et toutes les tentations, le difficile interrègne. L’étude des cycles chez Pichon est indissociable de celle des mythes à laquelle il a consacré un travail d’une incroyable érudition.

Les cycles se superposent, s’imbriquant les uns dans les autres à la manière de poupées russes : ce sont des images fractales qui contredisent l’idée de déterminisme qui pourrait être attachée à une vision purement mécanique, et donc fatale de l’Histoire (car ce sont les mythes qui orientent l’Histoire et non pas l’Histoire qui s’embarrasse de mythes). Nous savons que certains évènements doivent se produire selon des orientations précises – mais nous ne savons pas comment ni avec quel degré de justesse chronologique ou spatiale. Deux mille ans après le règne de l’Ichthus, nous devons en toute logique nous préparer à entrer dans la dernière ère zodiacale : celle du Verseau, c’est-à-dire de Dionysos, de l’Esprit-Saint, de l’ivresse et du théâtre, dans une revendication de liberté et d’indépendance, de fusion universelle et chaotique. Il faut rappeler que le contexte de publication de L’Histoire des mythes (1971), regroupait tous les éléments de confirmation d’une telle thèse. Nous serions donc à l’aube d’une période de gloire mythique qui va profondément changer nos manières de vivre et de penser. Fini le judéo-christianisme dominant : nous le quittons tranquillement pour une idéologie qui nous attire désormais davantage, et mieux vaut oublier que la maison du Verseau est la dernière que nous traverserons avant que l’année de la précession ne se termine. Que se passera-t-il ensuite ? Si nous reprenons une nouvelle année, alors nous confirmerons l’existence d’une dimension mythologique supérieure dont Jean-Charles Pichon n’a pas précisé la nature ; sinon, ce sera peut-être la fin de l’Histoire… Le déroulement des cycles obéit donc à une « respiration » de l’Histoire avec ses accidents lors de chaque grand passage. Ce processus s’inscrit dans sa fameuse Machine. Un concept difficile à définir, car les cartes se brouillent sans cesse dans l’œuvre de Pichon. On passe des « Machines célibataires » [23] à la « Machine de l’éternité », en plongeant en profondeur dans les « Machines littéraires ». Jean-Charles Pichon n’en donne jamais de définition claire. Pourtant, certains [24] se sont essayés à cerner le concept à travers différents articles dont retiendra notamment que :

– Les Machines sont prophétiques.
– Elles sont des modèles qui semblent expliquer le fonctionnement de l’esprit et du corps.
– Ce sont, chez Carrouges, des figurations mécaniques en peinture et dans la littérature de l’Imaginaire, devenues les nouveaux masques des hommes en voie de mécanisation. Ces structures se relient les unes aux autres dans l’espace mental commun à tous.
– Dieu ne serait-il que le moteur de tous les moteurs, une hyper-machine ?
– L’homme est conduit à voir le monde comme une machine absurde, incréée ou auto-créée, tournant à vide jusqu’à l’autodestruction inscrite dans son plan même.
– La Machine annonce le transhumanisme.

Pierre-Jean Debenat, dans sa préface à La Litanie des Dieux Morts (2000) en donne d’ailleurs une approche intéressante : Jean-Charles Pichon procède d’abord à un inventaire des croyances de l’Humanité : recensements qui prennent sens dans l’étude de leur simultanéité/succession. Des structures vont alors se dessiner, prenant place en leur diversité dans un ensemble invariant : la Machine de l’éternité. Pour Jean-Charles Pichon, la quête de la Machine passe à la fois par les mathématiques et par la poésie… Cette démarche permet non pas de prédire l’événement, mais de dessiner la structure mythique de l’ère nouvelle. C’est certainement dans Si la notion n’est pas maintenue (2017) analysant Le Dépeupleur de Samuel Beckett, que Pichon nous donne une précision importante : Toutes ces machines (littéraires), précise-t-il, nous sont données comme singulières, uniques, bien que toutes prétendent à recouvrir l’univers entier (astrophysique ou biologique, mathématique ou psychanalytique, mythologique ou poétique), ou plus exactement, la localisation du JE dans l’univers. En fait la difficulté est que, par-delà les méandres complexes des machines littéraires décrites par Carrouges et reprises par Pichon, la Machine n’est rien d’autre qu’une forme d’appréhension de l’Univers, une recherche de compréhension globale, une expression de la Théorie du Tout. Elle embrasse les cycles auxquels elle fournit le « carburant » en favorisant l’éclosion des mythes. Elle est en perpétuel mouvement et sa mécanique intime, lorsqu’elle se grippe, laisse échapper des prophéties. Nous sommes très proches, ici, de La Structure Absolue de Raymond Abellio qu’il annonce dans son roman, La Fosse de Babel. Abellio est, lui aussi, obsédé par l’explication globale, structurale, et c’est par l’étude de la Bible et de la kabbale qu’il va aboutir, de façon, il est vrai, assez étourdissante. On est, dans ce roman, aux prémices de la recherche… d’une recherche, qu’il prête du reste à ses personnages principaux, écrivains tout comme lui :

Nous découvrîmes enfin non ce que nous cherchions, mais ce qui nous cherchait, notre puits de science inconnu des cartes, bref ce que nous appelâmes spontanément la STRUCTURE ABSOLUE, parce qu’il s’agissait bien en effet, au sein de ce monde de relations opaques, de la structure unique qui les rassemblait et les éclairait toutes, comme le réseau invisible qui, d’une pierre brute, fait un cristal étincelant. C’était l’essence même de toute genèse, la genèse des genèses. C’était l’image géométrique de l’unique et gigantesque et perpétuel mouvement. [25]

De façon curieuse, Pichon exclura Abellio – entre autres – de sa liste des « machinistes », au motif qu’il ne fut pas un « prophète » [26]. Condamnation à mon sens un peu rapide lorsqu’on sait qu’Abellio a écrit un essai intitulé Vers un nouveau prophétisme (1947, rééd. 1950) qui préfigure largement les thèses de Pichon : L’histoire des dernières décades se trouve ainsi systématisée et éclairée de bien plus haut qu’on ne fait d’habitude. Au-dessus des conflits visibles (marxisme-christianisme & USA-Russie) qui sont presque uniquement des conflits matériels, l’auteur situe le conflit occulte qui oppose les Magiciens et les Prophètes. Il essaie de montrer comment un ordre spirituel entièrement nouveau naîtra dans le chaos des catastrophes matérielles, et comment les techniques et les philosophies en apparence les plus nihilistes collaborent positivement à la naissance de cet ordre.[27]

Pour revenir à la première partie de l’entretien, c’est ici !
Texte © Philippe Martin & Caroline Hoctan – Illustrations © DR
(Paris-Rennes-le-Château, avril 2023)
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[1] Rééd. Robert Laffont (1976), 4e de couv : « Surface de la Planète parut initialement dans la collection Le Rayon Fantastique, obtint le Prix Jules-Verne et suscita aussitôt la controverse. Le projet de Daniel Drode était de bousculer les conventions et d’inventer un langage original, un langage du futur. En raison même de son caractère expérimental, de ses innovations stylistiques, le roman fut fraîchement accueilli par la revue Fiction, mais obtint néanmoins un vif succès. En fait, Daniel Drode avait écrit, en connaissance de cause mais sans le dire, à la fois une anti-utopie dans la tradition de Huxley et d’Orwell et un nouveau roman dans le voisinage de Samuel Beckett et d’Alain Robbe-Grillet. Il y abordait sans concession les thèmes aujourd’hui classiques de la pollution de la planète et de la dévastation nucléaire. Pessimiste, il réintroduisait l’espoir dans l’anticipation par la voie royale de la poésie ». Cf. également : https://resf.hypotheses.org/447

[2] Cf. sa monumentale étude, L’Occulte (1971, trad. 1973).

[3] Cf. Jacques Vallée, Science interdite : Journal 1957-1969 (1997) & Science interdite : Journal 1970-1979 (2013).

[4] Cf. Ovnis et Conscience : L’inexpliqué au cœur du nouveau paradigme de la physique (2015).

[5] Encore que… Ouvrage étonnant que celui de Jean Goupil, assisté de Didier Leroux : Les OVNIS, une intelligence artificielle (2010). Étonnant, parce qu’il démarre de façon très convaincante sur le thème qu’il « est impossible d’atteindre une exoplanète avec un équipage vivant, donc les vaisseaux d’exploration sont animés par des intelligences artificielles ». Le tout appuyé – Jean Goupil est un ingénieur électronicien – par une sérieuse analyse des moyens de propulsion envisageables. Et puis le livre bascule, nous expliquant que les E.T. sont des farceurs qui nous envoient des « leurres » pour dissimuler leur présence, car leur apparition publique déclencherait sur terre un invraisemblable chaos. C’est la raison pour laquelle ils dissimuleraient parfois leurs vaisseaux sous forme de « bateaux-volants » ou de « cigares aériens ». Sans doute faut-il coller à l’esprit du temps… Mais nos deux compères franchissent un pas supplémentaire en faisant des manifestations des IEA (Intelligences Extraterrestres Artificielles) l’une des explications des phénomènes parapsychologiques, et ce, au sens le plus large. Les apparitions mariales font partie de la démonstration avec, bien sûr, la fameuse « danse du soleil de Fatima ». Et Jean Goupil d’avouer que nos visiteurs ont une petite tendresse pour la religion catholique… Oui, les IEA sont de sacrés farceurs !

[6] Cf. Aimé Michel, Lueurs sur les soucoupes volantes (1954) ; Mystérieux Objets célestes (1958).

[7] Cf. Bertrand Méheust, Science-fiction et soucoupes volantes : Une réalité mythico-physique (1978, rééd. revue et augmentée 2007).

[8] Il faudra attendre 2018 pour que soit publiée une édition anglophone sous le titre : Penetration. The Question of Extraterrestrial and Human Telepathy.

[9] Nicolas Roerich était un peintre russe, proche de la Société théosophique de Helena Blavatsky. Il s’est fait connaître par ses peintures représentant des paysages himalayens et des temples tibétains. Il a fortement inspiré Lovecraft qui y fait abondamment référence dans Les Montagnes de la Folie.

[10] Alet-les-Bains est situé à une dizaine de kilomètres de Rennes-le-Château. C’était le siège de l’évêché local, avant son transfert à Carcassonne. Ses dignitaires se sont enfuis en Espagne, refusant la Constitution civile du Clergé édictée après la Révolution française. On raconte qu’ils auraient dissimulé leurs « richesses » dans la région, en attendant des jours meilleurs pour revenir…

[11] Cf. Philippe Marlin, « Comment fabriquer un mythe, mode d’emploi » in Le Bibliothécaire du Razès, p. 93-166.

[12] Rééd. : Le Trésor maudit de Rennes-le-Château (1969) ; Nouvelle édition comprenant de nombreux documents inédits confiés par l’auteur : L’Or de Rennes signé Rose+Croix : l’énigme de Renne-le-château (2007).

[13] Cet ouvrage étant devenu rare, des fac-similés français et anglais ont été publiés par l’ODS (2006).

[14] Philippe Marlin, « Comment écrire votre best-seller de l’été ? », p.223-224 in Claude Arz, Philippe Marlin, un enfant de Planète (2019).

[15] Cf. Philippe Marlin : Lovecraft, une émission en compagnie de Pascal Fechner, BTLV (2017) ; « Lovecraft et la création d’univers » in Les Littératures Maudites, n° 1 : Actes du Salon 2016 à Charleville-Mézières, dédiés à H. P. Lovecraft (2017) ; « Lovecraft et Pichon, les résonances », p. 7-19 in Rencontres 2017 de Berder-sur-Seine (2018).

[16] Cf. Philippe Marlin, « Colin Wilson, une plume trempée dans l’Occulte », p. 109-159 in Historia Occultae, n° 9 (2018).

[17] Colin Wilson, Voyage to a Beginning : a Preliminary Autobiography (1969).

[18] Il a consacré à ce sujet une véritable somme que nous avons déjà évoquée : L’Occulte, op. cit.

[19] Une intéressante contribution sur le sujet a été donnée lors du premier colloque sur Colin Wilson à l’Université de Nottingham (2016) : Cf. Stephen R. L. Clark, Lovecraft and the search for meaning.

[20] H. P. Lovecraft, Par-delà le mur du sommeil (1919).

[21] Son œuvre est gérée aujourd’hui par Les Portes de Thélème, une association qui organise annuellement Les Rencontres de Berder, et dont les actes sont publiés à travers sa marque éditoriale : Le Collège des Temps. Les oeuvres posthumes de Jean-Charles Pichon sont réalisées en coédition avec l’ODS. La présentation succincte de l’auteur qui suit est largement inspirée de la brochure de l’association.

[22] Notons cependant que Les Témoins de l’Apocalypse se voulait une « commande » qui représente une oeuvre anecdotique dans l’immense corpus de l’auteur constitué de nombreux ouvrages de référence. Ainsi, p. 87 de Celui qui naît (1967, rééd. 2006), Jean-Charles Pichon est très précis concernant cette « prophétie » au point d’affirmer que l’ « on peut imaginer qu’au cours du XXIe siècle, cette égalité sera un fait accompli. Non seulement la notion de classes sociales n’aura plus de sens (car quiconque ne sera pas de l’appareil d’État en sera sujet), mais on aura vu, peut-être, un président noir à la tête des U.S.A ».

[23] Cf. Michel Carrouges, Les Machines célibataires (1954, rééd. 1976).

[24] Cf. les articles consacrés aux « Machines » dans le Bulletin des amis de Jean-Charles Pichon publié de son vivant et intitulé Les Portes de Thélème, notamment dans le n° 4, mars 2000 : Jean-Charles Pichon, « Combien ? Pourquoi ? » ; Lauric Guillaud, « Des machines célibataires aux machines littéraires » (article repris sur jeancharlespichon.com) ; André Lemelin, « La Machine et son double » ; Pierre-Jean Debenat, « Les Machines » (article repris in Rencontres 2008 de Berder (2009)). D’autres interventions sur la question ont également été proposées dans le Bulletin des amis de Jean-Charles Pichon publié après sa mort et intitulé Les Rencontres de Berder : Jean-Pierre Debenat, « La Parole machinale : Martin Heidegger commenté par Jean-Charles Pichon », p.36-39 in Rencontres 2010 de Berder (2011) ; Silvanie Mague, « La Machine rêvée : 3 visions décrites dans Le Petit métaphysicien illustré de Jean-Charles Pichon », p. 75-79 in Rencontres 2013 de Berder (2014).

[25] Raymond Abellio, La Structure absolue (1962).

[26] Cf. Jean-Charles Pichon, « Combien ? Pourquoi ? », op. cit. L’auteur traite, dans cet article, de la question des machines – la machine de l’éternité – qui animent le temps et l’espace, ainsi que la vie des humains. Notons ainsi que, selon lui, ces machines (qu’elles soient philosophiques, alchimiques, métaphysiques ou mathématiques) sont prophétiques, car elles tentent de résoudre le paradoxe insoluble rationnellement du passage de l’infini aux possibles. L’auteur évoque ces machinistes (en les nommant) qui ont parcouru les cycles du temps, annonçant chacun à leur manière les mutations à venir : ils sont nombreux depuis des millénaires, venus de la Perse, de l’Égypte, de la Grèce, de l’Afrique, des bords de la mer Rouge, d’Europe, au fil des siècles depuis l’Antiquité, le Moyen Âge, la Renaissance, et plus près de nous le 20e siècle. Il cite alors Beckett, Heidegger, Daumal, Artaud, Reich et Bataille. Il exclut Perec (pour la confusion), Cioran (pour l’inachèvement), et Abellio, sans doute pour l’autocratie absolue de sa structure qui ferme(rait) donc l’ouverture à la divination…

[27] Raymond Abellio, Vers un nouveau prophétisme (1947, rééd. 1950), extrait de la 4e de couv.